La crise sanitaire peut être considérée comme le symptôme d'une maladie de la foi. "La question peut se poser. La crise du croire a été amplifiée par cette crise sanitaire. Sur les plateaux, ce n'était plus les économistes qui étaient invités, mais les scientifiques. La politique était directement branchée sur le scientifique. Nous avions plusieurs médias à disposition. Je changeais d'avis plusieurs fois par jour. Nous ne savons plus croire. Un doute s'est insinué dans nos croyances et dans notre capacité à savoir" explique Camille Riquier, philosophe, professeur à l'ICP, auteur de "Nous ne savons plus croire" (éd. DDB).
"Croire est un acte qui nous engage corps et âme. À la différence du savoir où seule la tête est engagée. Pour croire, c'est la tête, c'est le coeur. C'est beaucoup plus. Nous ne savons plus croire, mais nous ne savons plus non plus ce qu'est savoir. Pour emporter l'adhésion, les uns et les autres doivent ajouter aux arguments tout un décorum. Les savants ont joué de leur personne, suscité l'engouement, l'émotion, les invectives. Beaucoup de choses extérieures au protocole scientifique et au savoir objectif" ajoute...
Pour le philosophe, un agnostique aujourd'hui n'est pas forcément athée. "Il y a un désir de croire sans les moyens d'y parvenir, déplorant le manque de ressources qui permettent de satisfaire cette faim. Les religions institutionnelles ont été décrédibilisées depuis trois siècles, progressivement. Désormais, ce sont d'autres croyances qui prennent le dessus. Nous sommes dans un supermarché où chacun peut faire son credo à loisir" lance-t-il.
Face au délitement de la foi, Camille Riquier apporte une réponse. "Si on devait entendre le mysticisme au sens noble, la baisse de la foi peut être une chance pour nous. Nous nous sommes éloignés du texte évangélique, mais nous avons la possibilité de le redécouvrir autrement, dans sa fraîcheur, non pas à travers le catéchisme, mais dans toute sa force grâce au mysticisme. Il y a toujours des choses que les anciennes humanités peuvent nous réapprendre, notamment en matière de foi" conclut le philosophe.
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