Un coup de téléphone synonyme d'apaisement. Mercredi, Emmanuel Macron et son homologue américain Joe Biden se sont entretenus par téléphone, quelques jours après l’annulation du “contrat du siècle”. L’Australie a mis fin à un contrat d’achat de 12 sous-marins auprès de la France, au profit de sous-marins américains et d’une alliance Etats-Unis- Royaume-Uni et Australie pour peser face à la Chine. Une affaire aux importantes conséquences diplomatiques.
Cela faisait presque une semaine que les relations étaient devenues tendues entre la France et les États-Unis. Emmanuel Macron avait signé un acte fort en rappelant notamment son ambassadeur aux États-Unis pour une consultation. Il sera finalement de retour à Washington la semaine prochaine. L'heure est à l'apaisement. Emmanuel Macron et son homologue américain Joe Biden se sont accordés sur une sortie de crise dans un échange téléphonique. Tous deux promettent de restaurer la confiance après le revirement de l'Australie que Jean-Yves le Drian avait qualifié de “coup dans le dos”. Aujourd’hui, le ministre des affaires étrangères doit rencontrer son homologue américain Antony Blinken aux Nations Unies.
“Il faut sortir de la naïveté à l’égard des Etats-Unis et voir que si nous avons une alliance stratégique avec eux, c’est aussi un concurrent économique qui n’hésite pas à utiliser des moyens déloyaux”, estime Pascal Boniface, le directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Si cette rupture de contrat affecte autant la relation entre la France et les Etats-Unis, c’est parce que la France est son allié historique et qu’elle est aujourd’hui mise sur le côté. L’Australie et la France avaient signé ensemble en 2016 un contrat faramineux de 56 milliards d’euros pour 12 sous-marins à propulsion diesel-électrique. Mais il y a huit jours, le premier ministre australien Scott Morrisson a annoncé la création d’un partenariat de sécurité entre l’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis pour "défendre la paix et la stabilité" dans la zone indo-pacifique. Il inclut la livraison de sous-marins à propulsion nucléaire, plus performant que ceux commandés à la France.
De fait, le contrat avec l’entreprise française Naval Group est abandonné. Et la France qui comptait se positionner dans cette zone stratégique du Pacifique, est mise sur le banc de touche. “Les Australiens sont particulièrement inquiets face aux attaques chinoises. Ce sont des attaques politiques, des sanctions commerciales contre des produits australiens, des infiltrations dans les universités australiennes, dans le monde politique. Le risque devient tellement prégnant que l’Australie n’a pas d'autre choix que de recevoir la protection des Etats-Unis face à la Chine”, analyse Philippe Le Corre, chercheur à l'université de Harvard et à l'ESSEC, spécialiste de l’Asie.
Pour les Etats-Unis, ce partenariat est un atout considérable puisqu’il lui permet de se positionner encore plus fermement face à la Chine, qui “s’affronte directement avec la super puissance existante c'est-à-dire les Etats-Unis”, précise Philippe le Corre. Et la place du Royaume-Uni dans cette alliance interroge encore. Certains y voient une forme d’opportunisme après le Brexit. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a haussé le ton en début de semaine. Elle a affirmé son soutien à la France. De leur côté, Emmanuel Macron et Joe Biden ont prévu de se rencontrer en Europe au mois d’octobre.
Cette mise à l’écart de la France soulève en tout cas l’enjeu d’une défense européenne. Joe Biden lui-même a estimé mercredi qu’elle devait être “plus performante” pour “compléter le rôle de l’OTAN”. La réflexion pourrait donc s’accélérer. “Le désengagement des Etats-Unis signifie que les Européens doivent être unis avec un agenda stratégique commun. De facto, on n’a pas encore réglé notre propre hiatus : est-ce que cette boussole stratégique [un document qui définit la stratégie de l’Union européenne en matière de sécurité et de défense, NDLR] est le pivot européen de l’OTAN ou est-ce qu’il faut désinvestir notre engagement dans l’OTAN pour réinvestir dans une politique européenne de sécurité commune ?”, s’interroge Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et sécurité en Europe.
La Chine, de son côté, n’a pas vraiment réagi pour l’instant. Dans un discours pré-enregistré devant l’assemblée générale des Nations Unies, Xi Jinping, le président chinois s’est positionné en constructeur de paix. Mais il faut rester vigilant. “Il est à craindre une réactivité chinoise en mer orientale. La Chine estime qu’il faut qu’elle récupère 80 % de son espace maritime aux dépens des zones maritimes des Philippines et de Taïwan”, alerte Emmanuel Dupuy.
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