Le mouvement social inopiné qui a agité la SNCF ce week-end et la réaction vive du Premier Ministre Edouard Philippe fustigeant un « détournement du droit de retrait » nous placent devant une alternative inacceptable. D’un côté, l’accident de TER survenu le 16 octobre dans les Ardennes montre clairement l’état de vétusté du réseau ferré de notre pays et interroge sur le fait qu’il n’y ait dans certains cas qu’un seul agent dans un train.
De l’autre, l’utilisation du droit de retrait semble en l’espèce juridiquement très contestable puisque ce droit s’exerce en cas de danger grave et imminent pour la vie ou la santé d’un salarié, ce qui exclut une extension nationale et confère du coup à ce mouvement une allure de grève sauvage.
Allons plus loin dans l’analyse : d’un côté des syndicats qui font dans la surenchère en prenant en otage des milliers de voyageurs. De l’autre, le gouvernement qui en réagissant de manière musclée renforce un discours d'ouverture à la concurrence qui ne peut que conduire à la privatisation progressive de la SNCF. Et pour le lampiste que nous sommes, un choix qui n’en est pas un.
Nous voici donc à devoir choisir entre une défense du service public confisquée par des syndicats dont l’immobilisme corporatiste n’a d’égal qu’une incroyable désinvolture vis-à-vis des voyageurs ; et une dérive libérale qui laisse à l’abandon une partie du réseau en privilégiant l’exploitation financière des TGV au détriment des lignes comme la ligne R du Transilien dont, en vingt ans, j’ai pu constater l'inexorable dégradation.
Si l’on souhaite comme beaucoup de Français conserver dans notre pays des secteurs d’activité stratégiques qui ne soient pas abandonnés au capitalisme sauvage, il est essentiel que l’État ait une politique de modernisation d’un réseau ferré qui fut longtemps un fleuron de l’économie française. Mais il est tout aussi essentiel que les syndicats de cheminots n’oublient pas que dans la notion de service public, il y a le mot service. À force de sacrifier les voyageurs sur l’autel de leur revendications, légitimes ou non, ils font le jeu d’un actionnaire étatique qui ne cherche qu’à montrer l’irrationalité du service public. En continuant ainsi, ils seront les meilleurs alliés de ceux qu’ils disent combattre.
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