Le mois de février est celui de la tournée minérale. L'occasion de se pencher sur notre consommation d'alcool qui peut être plus importante qu'on ne le pense. Qu'est-ce que l'alcoolisme ? Quels sont les moyens d'en sortir, quelle attitude adopter avec des proches abstinents ? Le docteur Michel Evens, psychiatre, alcoologue et administrateur chez les Alcooliques Anonymes, présente son analyse au micro de Yves Thibaut de Maisières.
La tournée minérale a débuté dès le début de ce mois de février. Une initiative qui permet de réfléchir à son rapport à l'alcool et sa consommation. Selon une enquête de Siensano, 14% de la population belge boit excessivement de l'alcool, autrement dit c'est plus de 10 unités par semaine. Mais pour le docteur Michel Evens, les chiffres sont loin d'être farfelus.
14% de la population boit trop d'alcool, et 7 à 8% ont un véritable problème avec l'alcool, sous forme de dépendance et de maladie alcoolique.
Pour autant, la définition de l'alcoolisme n'est pas évidente à formuler. De nombreux cas de figure se présentent. "Beaucoup de personnes pensent qu'être alcoolique c'est forcément boire tous les jours et avoir besoin de boire de l'alcool tous les jours. Or, il existe des formes d'alcoolisme dans lesquelles les personnes peuvent rester parfois quelques jours sans boire de l'alcool ; malgré tout elles ont perdu complètement leur liberté par rapport à l'alcool et elles vont détruire leur vie, leur santé, s'ils continuent à boire de cette manière", rappelle l'alcoologue.
Le lien de causalité entre la consommation et la dépendance est le rôle joué par la molécule alcool sur le cerveau, créant ainsi des besoins à la fois physiques et psychiques : "c'est une drogue puisqu'elle modifie la façon dont notre cerveau fonctionne et, quand on boit très régulièrement de l'alcool, quand on en boit trop, le cerveau entre en équilibre avec l'alcool et réclame d'en recevoir".
L'alcool devient la seule manière, alors, de ressentir du plaisir. Quand on boit, on ressent une forme de plaisir, c'est ce qu'on appelle le système de récompense qui est activé. Et comme il est activé par l'alcool, de manière artificielle et constante, on perd le goût pour tout le reste.
Il n'existe pas de traitement en tant que tel pour s'extraire de la dépendance, guérir de la maladie. C'est un chemin vers l'abstinence complète prévient le docteur Evens.
Pour s'en sortir, il faut que se produise "le déclic". C'est quand la personne reconnaît elle-même qu'elle a un problème avec l'alcool, qu'elle ne sait plus continuer à vivre de cette manière, qu'elle veut changer et faire ce qu'il faut pour se passer de l'alcool.
Etre à l'écoute du malade et vouloir prendre soin de la personne dans sa globalité est un point de départ essentiel dans l'accompagnement pour sortir de la dépendance : "quel que soit le point de départ, ce que nous allons surtout essayer de faire, c'est de nous intéresser à la personne, qu'elle puisse ressentir qu'on est là pour l'aider, pas pour la juger. C'est aussi un très grand point positif des groupes des Alcooliques Anonymes : il n'y a pas de jugement", insiste celui qui est administrateur chez les AA.
Voici donc l'objectif de cette "tournée minérale" : changer notre regard sur notre consommation - parfois plus importante qu'on ne le pense - et analyser les contextes qui nous poussent vers cette consommation.
"Je pense que dans notre société où on multiplie à l'infini des occasions de boire, c'est aussi une occasion de réduire sa consommation". C'est faire aussi parfois le choix de ne pas boire en dehors d'occasions bien précises, "des situations peut être de fête ou convivial dans lesquelles il est admis dans notre société de consommer un verre ensemble".
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