Ce sont des élections qui se déroulent dans un contexte particulier en cette année marquée par une crise sanitaire d’une ampleur inédite. Elles étaient d’ailleurs initialement prévues au mois de mars et ont dû être reportées. Une des grandes inconnues de ce scrutin va être le taux d’abstention. Même si la campagne de vaccination progresse, les électeurs pourraient déserter les bureaux de vote, comme ils l’avaient fait au 1er tour des municipales le 28 juin 2020 avec un taux d’abstention de 54,5 %.
Et ce sont donc aussi des élections qui vont servir de répétition générale à la présidentielle de 2022. Et il est d’ailleurs assez rare que des élections se tiennent aussi proche d’une présidentielle. Pour Alexis Massart, directeur de l'Ecole européenne de sciences politiques et sociales de l'Université catholique de Lille, "ces élections vont permettre à certains candidats de tester le dispositif qu’ils ont en tête pour l’élection présidentielle. Et en fonction de la réussite dans telle ou telle région qui aura focalisé davantage sur tel ou tel thème, cela va pouvoir alimenter la préparation de la campagne de l’an prochain".
À droite, par exemple, cela pourrait servir un peu de primaire… Ces régionales pourraient permettre de départager Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand, déjà déclaré pour la présidentielle. Le président des Hauts-de-France, comme la dirigeante de l’Île-de-France, tous deux anciens Les Républicains, ont conditionné leur maintien dans la vie politique à leur réélection.
Xavier Bertrand, l’actuel président du Conseil régional des Hauts-de-France, le dit et le redit : il fait actuellement campagne. Bien-sûr pour les élections de dimanche mais aussi pour la suite, les présidentielles de 2022. Il reproche à l’actuel chef de l’Etat Emmanuel Macron de ne pas jouer franc jeu, en envoyant dans la région cinq de ses ministres LREM et en visitant en personne les Hauts-de-France à la veille du premier tour de l’élection régionale.
Comme d’autres avant lui, Xavier Bertrand veut être celui qui parle vrai : 2022 c’est son ambition et il sait faire contre l’extrême droite. II tient un bilan : 6 ans face au Rassemblement national, des élus assis face à lui dans l’hémicycle de la Région, et ce sont d’ailleurs les seuls opposants puisqu’il n’y a aucun autre parti dans le Conseil régional. A l’époque, le parti socialiste de Pierre Saintignon s’était retiré, pour faire barrage au Front national.
Cette fois-ci, Xavier Bertrand a répété qu’en cas de défaite aux régionales, il se retirerait de la vie politique, mais qu’en cas de victoire, il resterait candidat à la présidence de la France. Et c’est d’ailleurs un sujet pour ses adversaires. Comme Karima Delli, celle qui rassemble la gauche dans ses régionales. Lors d’un débat, elle lui a reproché de mélanger les élections.
Même chose en Ile-de-France. Une réélection de Valérie Pécresse pourrait accroître sa légitimité pour 2022. Le renouvellement de son mandat pourrait s’apparenter à une étape avant 2022 pour celle qui est potentiellement candidate à l’élection présidentielle. À l’inverse, un revers "sonnerait comme une fin de carrière politique", affirme celle qui réfute toute idée d’alliance et qui est donnée favorite dans les sondages.
À gauche en tout cas, l’union n’est pas écartée. L’écologiste Julien Bayou, l’insoumise Clémentine Autain et la socialiste Audrey Pulvar apparaissent aujourd’hui éparpillés. Mais ils pourraient s’accorder sur une liste commune au second tour pour avoir plus de poids. Valérie Pécresse, qui avait raflé la région aux socialistes en 2015, en fait donc ses principaux adversaires.
Une région qui n’a jamais été favorable au Rassemblement national. Son candidat Jordan Bardella tentera tout de même de créer la surprise. En Île-de-France comme ailleurs, le parti de La République en marche, lui, peine à s’implanter. Le candidat Laurent Saint-Martin est peu connu du public, et ce malgré la présence de quatre membres du gouvernement sur sa liste.
Ce sera, aussi, le premier scrutin régional pour le jeune parti La République en marche. Qui nourrit toutefois peu d’espoirs de remporter une région… Il s’agit surtout de mettre un pied dans les conseils régionaux pour construire un ancrage territorial qui leur a échappé lors des municipales. En revanche, les candidats de la majorité pourraient toutefois servir d’arbitres. Et il sera intéressant de voir les choix qu’ils vont faire au second tour.
Cela sera à suivre en Île-de-France, mais aussi en région Auvergne-Rhône-Alpes. Ou... en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Un territoire à suivre de très près : à la tête d’une région ravie à la gauche en 2015 par Christian Estrosi, Renaud Muselier se trouve concurrencé par son "frère ennemi" Thierry Mariani, déjà candidat UMP dans la région en 2010 qui a depuis rejoint les rangs du Rassemblement national. Le président sortant a refusé une alliance dès le premier tour avec la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel, cheffe de file de LREM.
La région PACA est un laboratoire à ciel ouvert. En premier lieu celui de la fracture des LR. La droite locale se déchire. D'un côté, les pro LREM espèrent faire gagner leur esprit d'ouverture. De l'autre, les défenseurs d'une stricte ligne de droite, comme le maire de Cannes, espèrent faire monter leurs idées et pourquoi pas se positionner pour les élections présidentielles. La victime étant la liste de Renaud Muselier. Nombre d'élus ont dû laisser leur place car "Macron compatible". Plus à droite, le Rassemblement national espère mettre en place un nouvel étage de la fusée présidentielle. La victoire de Thierry Mariani serait bénéfique à Marine Le Pen. Car le RN projette l'image d'Emmanuel Macron sur Renaud Muselier et instaure ainsi un duel à distance avec le président de la République. Reste Jean-Laurent Félizia, son rassemblement de la gauche peine à convaincre. Pourtant son choix pour le second tour sera décisif. Il signera ou pas, la fin du fameux front républicain.
Le Rassemblement national va donc essayer de gagner en crédibilité dans la perspective de 2022. Europe Ecologie les Verts, de son côté, va tenter de confirmer la vague verte née lors des européennes de 2019 et des municipales l’année dernière. Notamment pour pouvoir peser sur les discussions pour la présidentielle, selon le politologue Alexis Massart, "et sur la capacité à avoir une candidature d’union de la gauche, sauf les Insoumis, et cela pourrait les mettre au centre de la recomposition de la gauche", explique-t-il.
À suivre les résultats du 1er tour des élections régionales dimanche 20 juin 2021 de 19h45 à 21h00 sur RCF, une soirée présentée par Florence Gault, accompagnée par Alexis Massart, directeur de l'Ecole européenne de sciences politiques et sociales de l'Université catholique de Lille.
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