C’est le rapport Duclert qui a fait office d’accélérateur dans le rapprochement entre les deux pays. Emmanuel Macron l’avait commandé en 2019 pour faire la lumière sur le rôle qu'avait pu jouer la France dans le génocide des Tutsi par les Hutu en 1994. Il lui a été remis à la fin mars. Les chercheurs sont formels : les responsabilités sont politiques. Les dirigeants dont notamment le président de l'époque François Mitterrand, ont été aveuglés face à un régime "raciste, corrompu et violent" malgré des alertes sur la situation. C’est la conclusion majeure de ce rapport rendu par cette commission présidée par l’historien Vincent Duclert, chercheur titulaire à l'école des hautes études en sciences sociales et professeur associé à Science Po. Dans la foulée, un rapport commandé par le Rwanda a été publié lui aussi : le rapport Muse. Il pointe la responsabilité de la France dans le génocide.
En 1994, en trois mois seulement, plus de 800.000 personnes sont mortes selon l'ONU dans ce petit pays de l’Afrique des grands lacs. Ils étaient en grande majorité des Tutsi, ethnie de l’actuel président Paul Kagame.
La rencontre est donc un tournant dans les relations diplomatiques des deux pays. C’est la première fois qu’un chef d’Etat français voyage officiellement dans le pays depuis Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron pourrait par exemple nommer un ambassadeur. Le poste est vacant depuis 2015. Il prononcera un discours depuis le mémorial de Kigali, la capitale. Un discours très scruté. Le président français pourrait formuler des excuses publiques au nom de l’Etat. "C'est un enjeu de mémoire, de légitimité. S'il y a cet effort, il pourrait y avoir un rétablissement total des relations diplomatiques", explique Michel Galy, politologue et spécialiste de l’Afrique subsaharienne.
Au-delà de l'aveuglement de la classe politique, certains dénoncent le fait que la France a armé les forces gouvernementales. C'est ce qu'avait affirmé Paul Kagame lors de la commémoration des dix ans du génocide. Et c'est ce dont témoigne aujourd'hui un vétéran de l'opération Turquoise. Une opération militaire de la France, défendue comme intervention humanitaire qui avait pour objectif la fin des massacres. Mais la réalité était entièrement différente, dénonce Guillaume Ancel. Ancien lieutenant colonel et vétéran, il raconte cette opération dans son livre "Rwanda, la fin du silence. Témoignage d’un ancien officier" aux éditions “Les Belles lettres” . "Le Rwanda pour moi ça a été un déchirure. On s'est retrouvés en train de protéger les génocidaires. Pour moi le plus important c'est que la France reprenne sa dignité et son honneur en reconnaissant les faits", lâche-t-il.
L'Etat français est soumis à une importante pression : de nombreux Rwandais rescapés se sont installés en France et attendent une vraie reconnaissance. "Il y a une communauté franco-rwandaise très active à travers des associations qui traquent des génocidaires sur le sol français", précise le politologue Michel Galy.
Une diaspora très implantée en France qui demande donc justice. C’est le cas du Collectif de parties civiles pour le Rwanda. Pour les rescapés et les familles de rescapés, des excuses seraient essentielles. "Nous n'attendons que ça. Cela voudrait dire que enfin la France reconnaît le rôle qu'elle a pu jouer à l'époque, c'est-à-dire aider un régime génocidaire", affirme le président du collectif Alain Gauthier, actuellement au Rwanda. Mais pour eux, il faut aller encore plus loin et mettre en place des moyens pour permettre à la justice de traiter les dossiers de plusieurs personnes liées au génocide. Elles seraient plusieurs dizaines installés en France. L’année dernière, Félicien Kabuga, considéré comme le financier du génocide, a été arrêté en région parisienne.
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