L’agriculture représente 30 % de l’activité économique en Bretagne. Mais souffre aussi de certaines difficultés : la juste rémunération des agriculteurs, l’attractivité d’un métier difficile. Les éleveurs et producteurs font aussi face au réchauffement climatique et tentent de prendre part de leur façon à la transition écologique.
Le rendez-vous est fixé à 7h. Christian Mochet et ses deux associés s’activent déjà pour la traite de leurs 100 vaches laitières. Ici, on produit aussi du maïs, du blé et de l’électricité grâce à des panneaux photovoltaïques.
Les trois associés ne comptent pas leurs heures. De 7 h à 18 h chaque jour. Christian Mochet essaye de ne pas partir trop tard le soir pour éviter le surmenage. "Ça peut être un refuge, mais c’est surtout un enfermement. On voit des situations dramatiques, on a quand même des suicides. Les gens veulent vivre de leur métier et paradoxalement, on travaille plus et au bout d’un moment on pète un câble. Quand on apprend un suicide, on se dit qu’on a loupé quelque chose...", regrette Christian Mochet. Chez les agriculteurs de plus de 65 ans, le risque de suicide est deux fois plus élevé que la population.
Une détresse qui s’explique en grande partie par les difficultés économiques. Sur ce sujet, les agriculteurs comptent beaucoup sur la loi Egalim 2, en vigueur depuis le 1er janvier. Elle vise notamment à mieux les rémunérer. Dans les négociations avec les industriels, la loi impose que les prix de vente soient indexés sur les coûts de production de l’agriculteur. "On s’est battu pour cette loi, pour avoir une juste rémunération de nos produits. Egalim 1 n’a pas marché, Egalim 2, on y croit. Donc il n'y a pas de raison qu’il y ait des dérives. En lait, c’est 40 centimes le litre. Il faut qu’ils maintiennent ça et que les industriels jouent le jeu", insiste Christian Mochet. Les agriculteurs veulent maintenir la pression sur les autorités pour obtenir des actes concrets, avec une mobilisation vendredi à Rennes.
Le secteur représente près d'un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Une coordination d’associations vient de se créer pour appeler à une agriculture "paysanne, sociale et environnementale en Bretagne". Les pesticides sont notamment pointés du doigt. Emmanuel Macron s’était engagé à sortir du glyphosate, un enjeu sur lequel il a affirmé avoir échoué dans une interview au Parisien.
"Aujourd'hui, personne ne peut prétendre ne pas savoir la dangerosité de ces molécules donc qu’on continue de défendre, de faire pression pour maintenir les pesticides dans l’agriculture, je trouve que c’est criminel", souligne Michel Besnard, membre du collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’Ouest, souhaite un objectif clair d’interdiction des pesticides.
Dans sa ferme à Saint-Pern, avec ses 400 cochons à l’année, Jean-Sébastien Piel relève, lui, le défi d’un élevage porcin sans produits phytosanitaires. L’exploitation familiale est passée au bio il y a 30 ans. Avec des méthodes qu’il estime respectueuses de l’environnement. Du côté de l’agriculture conventionnelle, pas toujours facile de se passer du glyphosate. On prône plutôt des doses réduites.
Pour Jean-Sébastien Piel, il faut entièrement changer de système. L’éleveur attend beaucoup de l’État pour soutenir la conversion et le maintien au bio de certaines exploitations. "Sur les aides en bio, ça me semble important que les institutions, l’État et les collectivités mettent la main pour permettre ces conversions. Ça ne se fera pas sans accompagnement financier. Au lieu de mettre des fonds à nettoyer les plages des algues vertes, mettons-les à accompagner les conversion, à installer les jeunes sur différents types d’installations pour nourrir localement", interpelle-t-il.
100.000 fermes ont disparu en 10 ans en France, selon le recensement agricole décennal du ministère de l'Agriculture paru en décembre dernier. Selon Christian Mochet, ce métier est de moins en moins connu du grand public. "Historiquement, tout le monde connaissait un voisin ou un oncle agriculteur. Aujourd'hui, ce lien-là est perdu donc c’est à nous de le recréer pour réexpliquer l’origine des produits", regrette l'exploitant laitier.
Malgré tout, il garde espoir. Brice, un jeune de 14 ans est en stage depuis six semaines dans son exploitation. "Je suis passionné par ça, j’aime les animaux, surtout l’agricole. Tout ce qui est le travail des champs, c’est ce qui me plaît. Je n’arriverais pas à être assis devant un bureau, devant l’ordinateur. Je préfère être dehors à faire de la mécanique et travailler le sol", sourit l'adolescent.
Christian Mochet se réjouit : certaines écoles l’appellent pour programmer des visites dans sa ferme. Il interpelle aujourd’hui les consommateurs : "À chaque fois que vous achetez un produit, dites vous bien qu’il y a eu un agriculteur au départ".
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