La crise de l’islam dépasse nos frontières, mais elle est alimentée en France par plusieurs facteurs. C’est le postulat de départ du dernier ouvrage de Didier Leschi, ancien conseiller de Jean-Pierre Chevènement au ministère de l'Intérieur, chef du bureau central des cultes, préfet délégué pour l'égalité des chances en Seine-Saint-Denis. Un observateur institutionnel privilégié du développement de la deuxième religion de France depuis la fin des années 1990.
Dans son livre, "Misère(s) de l’islam de France", il pointe du doigt notamment l’impuissance des responsables religieux de l’islam de France face au terrorisme. "Depuis des années, nous avons comme interlocuteur une bureaucratie musulmane de responsables religieux qui s’affairent autour des mosquées, mais qui se refusent à une vision d’ensemble sur l’évolution de l’islam à l’échelle internationale avec ce refus de penser le rapport aux autres, et donc de créer un espace de débat qui puisse irriguer les fidèles des mosquées" explique-t-il.
Didier Leschi critique notamment ces responsables religieux qui vivent de, et non pas pour leur religion. "Les principaux responsables mélangent activité cultuelle et activité commerciale avec une dynamique suscitée par le marché, comme le développement du hallal et l’organisation de pèlerinages, qui font écran à l’activité proprement cultuelle" ajoute ce spécialiste.
Il précise que "pour la masse des croyants, qui veulent vivre une foi tranquille et apaisée, ils ont le sentiment de ne pas être représentés dignement, ce qui génère une sorte de frustration et même un sentiment victimaire alors que la situation des croyants s’est objectivement améliorée. Par ailleurs, les jeunes en quête de spiritualité ne trouvent pas les figures morales à qui s’adresser. Ils ont le sentiment que ceux qui portent une parole très dure, sont également porteurs d’une certaine pureté."
Pour Didier Leschi, "l’Etat est allé à son maximum. Il a incité les élus à ne pas faire d’obstruction abusive en matière de construction de lieu de culte, il a suscité des regroupements confessionnels dans les cimetières. Il a eu une attitude qui visait à montrer que notre cadre juridique permet l’égalité de traitement. Mais l’Etat ne peut pas intervenir dans le domaine strictement religieux. Il manque aujourd’hui crucialement une génération d’imams formés en France".
Il faudrait donc, selon ce spécialiste, une véritable réforme intellectuelle à mener au sein de l’islam de France. Plus facile à dire qu’à faire. "On est dans une période extrêmement difficile parce que le monde arabo-musulman est en régression avec la disparition de la diversité. Cette pression extérieure influe sur la France. Il pourrait y avoir un dynamisme interne au sein de la communauté musulmane qui pourrait irriguer en France, et au-delà de la Méditerranée. On peut espérer que des générations de jeunes s’élève, que des élites politiques et sociales apparaissent. Mais on en est encore loin. C’est l’islam consulaire qui domine toujours" conclut Didier Leschi.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !