En guerre, de Stéphane Brizé

Voilà un film qui était hier en compétition à Cannes et qui a beaucoup impressionné ! D'abord, il y a l'histoire : une usine qui ferme et met 1000 personnes au chômage, alors que les actionnaires continuent à faire des bénéfices. Les syndicats et les salariés se mettent en grève et bloquent la production et le stock. Au fil des semaines, et de l'inertie de la direction et des pouvoirs publics, la tension va monter, jusqu'à briser l'union des grévistes et pousser au geste de trop, qui fait basculer dans le drame.
 
Ce film est impressionnant aussi par la performance de Vincent Lindon, qui brûle littéralement de cette rage à défendre ses collègues et de son impuissance à y parvenir.
 
Et puis il y a l'importance de la bande-son qui donne un ton très particulier, surprenant même, pour un film traitant d'une question sociale aussi austère. Il y a de nombreuses plages musicales, une musique très dynamique qui se surimpose sur des dialogues ou qui accompagne les images de manifestations et d'occupations d'usines. Et l’utilisation savoureuse des médias, comme un refrain qui rythme le film : quand les micros se tendent, la tension est mise à distance et, paradoxalement, le moindre événement est amplifié.
 
C'est à nouveau un film où le réalisateur Stéphane Brizé retrouve l'acteur Vincent Lindon. Il y a 3 ans déjà avec La Loi du marché, Stéphane Brizé dénonçait certaines pratiques du monde du travail, où la dimension humaine était bafouée par les exigences économiques. Cette fois encore, en faisant jouer des acteurs non-professionnels avec Vincent Lindon qui s'époumone à crier son indignation, il est du côté de ceux qui n'ont aucune valeur aux yeux de la finance internationale.
 
En guerre dit le titre du film : s'il y a quelques scènes de bousculades et même de bagarres, le véritable conflit se situe au niveau des affrontements verbaux. D'un côté, il y a ceux qui maîtrisent la langue et le vocabulaire, les patrons, les cadres, les journalistes, les ministres. De l'autre, il y a les salariés de l'usine qui ont du mal à exprimer clairement leurs idées ou à finir une phrase, et qui haussent le ton pour faire passer leur indignation et leur colère. Un déséquilibre qui est bien évidemment la conséquence d'un décalage social et culturel.
 
Alors oui, beaucoup à Cannes ont été touchés par la performance de Vincent Lindon et la mise en scène de Stéphane Brizé - faisant le constat amer d'une société dominée par les exigences du marché - mais comment faire pour que change ce monde-là ?