Après la crise des "gilets jaunes" a marqué la Vè République, et la suppression de l’Ecole nationale d’administration (ENA) qui en a découlé, y a-t-il une fracture entre les Français et leurs élites ? Sont-ils irréconcilibales ? En pleine crise sanitaire, comment l’image des médecins a pu s’écorner ? Autant de questions posées à Eric Anceau. Maître de conférence en histoire à l’université de la Sorbonne à Paris, il est l’auteur du livre : "Les élites françaises - Des Lumières au grand confinement" aux éditions Passés composés.
Jeudi 8 avril, le président Emmanuel Macron a annoncé le remplacement de l’Ecole nationale d’administration par un Institut du service public. L’objectif est de modifier la voie de recrutement. Mais pour Eric Anceau, "supprimer l’ENA c’est se servir d’un bouc émissaire". S’il y a eu une prédominance des énarques en politique depuis les années 1970, ce n’est plus la même réalité aujourd’hui. "Actuellement, il n’y a que 8 % des énarques qui pantouflent dans le privé. Aujourd’hui, plus de 32 % des énarques sont boursiers et c’est le moment que l’on choisit pour la supprimer", déplore l’historien.
Eric Anceau rappelle que la notion d’élite existe depuis très longtemps. "C’est à la fois l’élite du pouvoir et ceux qui aident à prendre des décisions. À l’époque de Philippe le Bel, l’élite c’est les meilleurs de chaque catégorie professionnelle", explique l’historien. Selon lui, "les périodes de confiance à l’égard des élites sont vraiment minoritaires".
Plus récemment, "les 'gilets jaunes' ont pointé ces carences des élites". "La critique est absolument virulente et en même temps on se rend compte avec elle qu’il y a un besoin d’élite", affirme Eric Anceau. "Je ne crois pas qu’un peuple puisse se gouverner sans élites. Des idéologies qui ont prôné l’absence d’élites comme le marxisme n’ont pu eux même se passer d’élites", ajoute-t-il.
Avec l’épidémie de Covid-19, une nouvelle élite a pris de l’importance : les médecins et experts médicaux. Mais ils ont aussi fait face à une importante défiance. "Ils sont eux-mêmes tombés de leur piédestal", conclut Eric Anceau.
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