Il y a quelques jours le pape François a décrété que désormais les laïcs, et les femmes spécialement, pouvaient être lectrices et acolytes, des termes bien étranges et décalés. Et pourtant.
Une sœur aînée de ma communauté réagit et me raconte à nouveau une souffrance, une douleur mêlée d’un sentiment persistant d’injustice et de bêtise. Quand elle était enfant, plutôt dans les beaux quartiers de la capitale, les filles étaient empêchées d’être enfants de chœur, car impures. Interdites donc de servir à l’autel, fonction des acolytes.
Et sa colère est intacte en voyant la pratique implicite qui s’est installée dans certaines paroisses et qui, à nouveau, ramènent les filles aux portes de l’église, donnant les feuilles de chants par exemple, ou pour faire la quête…
Les filles seraient-elles donc inaptes, comme les publicains et autres collecteurs d’impôts d’hier, aux tâches dites nobles, proches du sacré, mais bien utiles pour tenir la maison ?
Pardonnez mon ironie peut-être, mais tout cela rend si triste. Car comment une telle hérésie est-elle possible ?
La crainte de l’impur, de la souillure, est présente en toute culture, de façon bien archaïque. Elle aura été cause de tant de tragédies individuelles et collectives.
En notre terrible 20eavec ses millions de victimes juives, tsiganes, homosexuelles, toutes impures. Déjà au 16e par exemple, avec l’arrivée des Espagnols aux « Amérique ».
En 1549, un arrêté royal interdit aux Espagnols de prendre des femmes indiennes comme épouse ou comme concubine.
Si le métissage bien heureusement se répand pourtant, les mesures ne cessent de se durcir au point qu’en 1781, l’Espagne exige un certificat de pureté de sang pour mariage, entrée à l’université, ordination des prêtres.
La pureté est l’éloge du séparé et le texte biblique est le témoin éblouissant de la conversion de l’impur sexuel ou du sang au profit du cœur pur.
Je repense à cet épisode dans l’évangile de Marc (5, 21-43), que nous pourrions nommer « le sang perdu et la vie retrouvée ».
Une rencontre improbable, celle de Jésus avec une femme impure, presque par naissance, tant ses pertes de sang remontent loin.
Elle a enfreint les règles de pureté légale pour approcher Jésus dans cette foule, et pire, toucher son vêtement.
Et la voilà pourtant, envers et contre les hommes présents, engendrée : « ma fille », lui dit-il, « ta foi t’a sauvée ».
Elle est désormais de la famille de Jésus : de celles et ceux qui écoutent sa parole et essaient de la mettre en pratique.
Alors, oui, pouvoir devenir lectrice a de quoi faire sourire, jaune même.
Mais ouvrir enfin des ministères institués, qui viennent de loin dans l’Église, cela est bien tard, mais c’est un vrai pas contre de l’obscurantisme toujours vivant, contre un naturalisme antiévangélique. Alors merci !
Véronique Margron op.
Sr Véronique Margron est religieuse dominicaine, présidente de la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France). Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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