C’est pas pour dire, mais… on retrouve bien Philippe Delerm dans ce nouvel opus de textes courts, c’est sa patte, son talent, son travail, car, faut pas croire, écrire simple est très compliqué, et faire court, c’est difficile. Après les plaisirs minuscules – vous vous souvenez, La première gorgée de bière – Philippe Delerm a poursuivi l’exploration de nos petites habitudes et de nos émerveillements avec « Les eaux troubles du mojito et autres belles raisons d’habiter sur terre », il a encore réuni « les mots qu’il aime » et s’est enfin amusé en regroupant ces petites phrases qui en disent long, du style « je vais encore passer pour un vieux con ». Mais méfiez-vous de Philippe Delerm : on croit qu’il est pour la paix des ménages, mais avec son air de pas y toucher, il gratte où ça fait mal, il se moque de nos petits travers… Et il en remet une couche avec ce dernier livre consacré à « la perfidie ordinaire des petits phrases »…
Perfide, certes, mais gentiment sarcastique, ça reste du Delerm… par exemple : « Je dis ça, je dis rien »… voilà encore une formule qu’il épingle ou encore « Je reviens vers vous… » : « cette phrase traduit un engagement mental dont vous êtes reconnaissant à votre interlocuteur. Quoique. La formule avoue aussi une certaine lenteur à établir le contact »… Ben voilà, Jean Pruvost l’expliquerait mieux que moi : certaines expressions disent le contraire de ce qu’on entend. « Et en même temps, je peux comprendre », on parle parfois pour ne rien dire : mais « Pour être tout à fait honnête » l’écrivain fait mouche : il n’invente rien, ce sont des situations que nous avons tous vécues.
« On peut peut-être se tutoyer ? » vous n’êtes pas obligée de répondre… mais la question crée déjà une certaine intimité. « Elle donne, écrit Delerm, la quasi-certitude qu’l y aura une suite, que le besoin, l’envie de communiquer dans la durée se fonde sur le tutoiement » A contrario, on entend rarement « on pourrait peut-être continuer à se vouvoyer ». 70 expressions et bien des occasions de sourire, comme si nous étions pris en faute, avec ces phrases toutes faites qui révèlent parfois la banalité de nos propos mais aussi le sel de nos conversations ordinaires… Allez, avec un peu de chance, je me retrouve dans le prochain livre, en vous disant simplement : « et vous avez lu le dernier Delerm ? »
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