En 2018, il faut entendre le mot bioéthique au sens large. 'Bioéthique, c’est a priori toute la réflexion éthique qui porte sur les sciences de la vie et de la médecine. Dans un premier temps il a souvent été pensé que s’il devait y avoir une évolution de la loi, c’est à cause des avancées scientifiques ou médicales qui posaient des questions nouvelles .De fait, les choses s’élargissent aujourd’hui à des questions dites sociétales' explique Dominique Quinio, journaliste, ancienne directrice du quotidien La Croix, présidente des Semaines sociales de France, membre du Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE). D’où le débat autour de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) et la fin de vie.
Ces Etats Généraux de la Bioéthique se réunissent donc pour réfléchir à la révision des lois de bioéthique. 'La méthode va être expérimentale puisque c’est depuis la dernière révision de la loi qu’il a été confié au CCNE de les organiser. C’est un débat qui précède la décision politique, mais la décision revient toujours au politique et au législateur. Le choix qui a été fait par le président du CCNE c’est de mettre dans la boucle les espaces éthiques régionaux de façon à démultiplier la réflexion' ajoute Dominique Quinio.
Pour la première fois, il va donc y avoir des débats sur ces sujets dans les régions. Il va aussi y avoir des temps d’écoute des différentes associations ou réseaux de spécialistes, ainsi qu’un site interactif où les gens pourront exprimer leurs positions et débattre avec d’autres. Une vision large de la consultation qui se justifie par la complexité des questions abordées. Des sujets sur lesquels des experts qui travaillent dessus depuis des décennies n’arrivent pas à se mettre d’accord. Quid des citoyens qui vont désormais avoir la parole ?
Pour Dominique Quinio, 'les citoyens ne réussiront pas se mettre d’accord. Mais sur un certain nombre de sujets l’explication de base est tout de même complexe. Les scientifiques maîtrisent ces questions, le grand public pas forcément. Mais il ne faudrait pas que ce débat soit confisqué par les experts ou les militants. Ce sont des questions qui concernent les citoyens. Il faudrait arriver à enclencher chez chacun un processus de réflexion. C’est toute une démarche réflexive. Si on y parvient, alors il y aura un progrès sur le débat autour de ces questions'.
En France, le débat autour des questions sociétales et bioéthiques n’est jamais calme. Comment faire cette fois-ci pour que le débat se passe bien ? 'C’est compliqué de fait, et il y a un risque que les militants d’un bord ou de l’autre confisquent la parole. Ce qu’il faut c’est entendre ce que les uns et les autres ont à dire en respectant leur position sans les caricaturer. A ces conditions, il est possible de débattre. Mais c’est au législateur qu’il revient de prendre une décision' analyse Dominique Quinio.
Le 3 janvier dernier, le quotidien La Croix publiait avec l’Ifop un grand sondage sur les Français et la bioéthique avec des résultats qui ont été depuis beaucoup commenté. Trois enseignements à retenir : 60 % des personnes interrogées sont favorables à l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, 64 % sont favorables au recours aux mères porteuses, et 89 % à une légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté. 'Cela m’a surpris. Notamment en ce qui concerne la part des catholiques pratiquants. Mais j’ai toujours une réserve sur la formule du sondage, qui oblige de répondre par oui ou par non à une question, or justement la réflexion éthique est plus fine que cela' précise Dominique Quinio.
Dans un tel débat, l’Eglise catholique entend bien faire entendre sa voix. 'Il est important qu’elle continue à s’exprimer, mais pas sous un mode condamnant, car cela n’aura aucune incidence. Mais elle doit poser les questions. L’Eglise doit amener les gens à se poser les questions importantes' estime la membre du CCNE, concluant en affirmant que 'les chrétiens se posent des questions, et ne se laissent pas forcément entraîner face à ces questions contemporaines'.
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