On avait rarement vu une compétition avec autant de polémiques. L’Euro 2020 sort du lot. Il y a eu la polémique du stade de Munich qui devait être éclairé aux couleurs arc-en-ciel, en soutien à la communauté LGBT et contre une loi jugée homophobe votée en Hongrie, lors de la rencontre Allemagne-Hongrie. Le projet a été avorté après le veto de l'UEFA, instance organisatrice. Il y a aussi eu l’affaire du maillot ukrainien sur lequel, en filigrane, on peut voir le tracé des frontières du pays, la Crimée incluse, alors que le territoire a été annexé par la Russie en 2014. De quoi raviver les tensions entre les deux pays. Un autre épisode, celui de Cristiano Ronaldo, le joueur de la sélection portugaise qui a enlevé une bouteille de Coca-Cola de sa table lors d’une conférence de presse, préférant l’eau et faisant plonger l’action de la marque de soda.
Si les prises de position sont très nombreuses, le phénomène n’est pas nouveau. "Il est indéniable de considérer que la politique a toujours été présente de près ou de loin dans le sport. En revanche, ici il y a une vraie concentration des polémiques. J’aurais tendance à considérer cette affirmation de la politique dans le sport parce que c’est la premier méga-événement sportif de l’après Covid", analyse Carole Gomez, directrice de recherche en géopolitique du sport à l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS).
Certains observateurs n’avaient pas vu ça depuis la fin de la guerre froide en 1991. Mais le fond des engagements a bien changé, pour basculer vers la défense des droits de l’Homme. "Est-ce que c’est défendre une idéologie comme ça avait été le cas du temps des régimes fascistes ou au contraire les droits de l’Homme ? Ceux qui disent que défendre les droits de l’Homme c’est de la politique, ce sont les adversaires des droits de l’Homme", affirme Patrick Clastres, historien du sport et professeur à l’université de Lausanne en Suisse.
Dans ces prises de position : la question de la lutte contre le racisme, avec ce genou à terre, en guise de protestation contre les discriminations. Mais aussi celle d'Antoine Griezmann, qui a posté sur ses réseaux sociaux un message de soutien à la communauté LGBT, après que l'UEFA a refusé d'éclairer le stade de Munich avec les couleurs de l'arc-en-ciel.
Les réseaux sociaux font office de caisse de résonnance pour certains sujets. Avec Twitter, Facebook, Instagram, les sportifs et sportives peuvent s’exprimer directement, s’adresser à ceux qui les suivent et porter un message. "Il y a une individualisation de la pratique médiatique des joueurs. Ils sont capables de s'exprimer seuls, ils ne sont plus cadrés par la communication officielle, ils vont être bordurés par leurs agents, leurs sponsors. Antoine Griezmann par exemple n'a que des coups à prendre mais il joue le rôle de modèle", estime Jean-Baptiste Guégan, géopolitologue du sport.
Mais dans le public et parmi les chefs d’État, certains aimeraient que les sportifs restent dans leur rôle de sportif. "Une partie des élites a un rapport condescendant vis-à-vis des athlètes mais pas vis-à-vis des artistes. Les sportifs, on préfère les considérer comme des bêtes à faire du muscle plutôt que de les considérer comme des êtres pensants. C’est un déni de liberté", renchérit Patrick Clastres, historien du sport.
Depuis le début, les instances sportives comme l'UEFA jouent la carte de la neutralité, en affirmant que c’est du sport, et pas de la politique. Elles sont tout de même tenues par des intérêts des États. Selon Jean-Baptiste Guégan, elles devront tôt ou tard réfléchir à leur position. "Il y a un mythe de la neutralité sportive. Ce qu’on voit c’est un décalage entre les préoccupations de nos sociétés et les positions relativement conservatrices ou proches d'intérêts commerciaux qui sont celles de la FIFA, de l’UEFA ou du CIO”, explique le spécialiste.
Ce phénomène est très présent dans le foot car très médiatisé. Mais cela existe dans d’autres sports. Le Tour de France, par exemple, qui a lui aussi lieu en ce moment, est une véritable vitrine. La course permet à certains pays comme les Emirats Arabes Unis, qui ont leur propre équipe, d’améliorer leur image. Une forme d'influence indéniable.
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