L’intelligence artificielle (IA) se développe à grande vitesse et prend de plus en plus de place dans notre vie. Mais son omniprésence incite à se demander si elle ne représente pas un danger pour la société. Ces techniques, qui visent à reproduire artificiellement différentes fonctions cognitives de l’Homme, font l’objet de débats houleux. Pour certains, comme le chercheur canadien spécialiste de l’IA Geoffrey Hinton, il est nécessaire de freiner l’avancée technologique en la matière. Pourtant, la machine semble déjà bien lancée, voire inarrêtable.
De nombreuses personnes se sentent aujourd'hui dépassées par l’intelligence artificielle, parfois même menacées. Avec le temps, celle-ci paraît de plus en plus capable de nous voler notre travail ou de nous dépasser. Cependant, l’IA n’est pas toute jeune. Les prémices de cette technologie aussi fascinante que menaçante remontent aux années 1950, lorsque le fameux mathématicien et cryptologue anglais Alan Turing se demandait si une machine pouvait penser.
“On fait tous de l’IA sans le savoir”, affirme Jean-Gabriel Ganascia, professeur d'informatique à La Sorbonne et auteur de deux ouvrages, Le Mythe de la Singularité, faut-il craindre l'intelligence artificielle ? et Servitudes virtuelles au Seuil. En effet, nous avons quotidiennement recours à celle-ci dans notre utilisation des ordinateurs et des téléphones portables. “Notre monde numérique fait appel à l’IA ; sans elle, nous serions dans une situation bien délicate”, estime le professeur d’informatique. Ces techniques surprenantes alimentent nos machines et leur fournissent “une capacité de calcul et de mémoire colossale”, selon François Euvé, journaliste et auteur du livre Pour un numérique au service du bien commun, chez Odile Jacob.
Pour certains, l’IA apporterait une meilleure compréhension de l’Homme. “L’intelligence c’est d’abord l’esprit humain, ses différentes facultés cognitives”, explique Jean-Gabriel Ganascia. C’est ce que les chercheurs essayent de reproduire avec l’IA. Mais si l’on prend l’exemple de ChatGPT, ce logiciel de traitement de texte dont on entend beaucoup parler et qui met des bâtons dans les roues de l'Éducation nationale, il apporte “des résultats fascinants” mais “affabule parfois”, indique Jean-Gabriel Ganascia. “Finalement, l'IA n’est pas si intelligente que ça”, ajoute-t-il.
“L'IA est la meilleure et la pire des choses”, d’après Jean-Gabriel Ganascia. En effet, ces techniques servent à tout un tas de choses, mais on voit parfois qu’elles nous surprennent et qu'elles peuvent diviser la société. “Cela engendre une désagrégation de l’espace numérique”, déplore le professeur d’informatique de la Sorbonne. Également, François Euvé le rappelle, les machines possèdent “une marge d’erreur” qui implique nécessairement la question de la responsabilité. Ainsi, pour répondre à ces problématiques et à la peur grandissante de voir la technologie se retourner contre nous, des comités d’éthique naissent un peu partout.
L’un des dangers associés à l’IA viendrait notamment de l’Homme lui-même. “Il y a une tendance de l’humain à projeter sur la machine des sentiments et à idolâtrer ce qu’il crée de ses mains”, explique François Euvé, selon lequel “l'anthropomorphisme est inévitable”. L’Homme voit certains objets, comme les peluches, et certains animaux, généralement ceux domestiques, par le prisme des émotions. Cette tendance, certes naturelle, représente ainsi une menace lorsqu’elle concerne l’intelligence artificielle. Enfin, Jean-Gabriel Ganascia précise qu'il “ne faut pas avoir toute confiance envers les machines”.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est capable de générer des photographies avec les visages de personnes bien réelles, des œuvres d’art parfois très réalistes ou encore écrire des dissertations entières. Mais elle ne fait que “rebrasser ce qu’elle connait déjà”, indique François Euvé. L’IA dépend en effet de l’Homme et ne fonctionne que grâce aux données qu’il lui apprend. Pour Jean-Gabriel Ganascia, l’important est de savoir “identifier les dangers et les dérives” et de “regarder devant”.
“Il faut éviter que les machines nous réduisent à l’état d’esclavage”, estime François Euvé, avant d’ajouter que “tout l’enjeu est de conserver notre liberté et d’éviter les effets délétères”. Ainsi, beaucoup insistent sur la nécessité d’être vigilant et de ne pas dépasser les limites de l’éthique. “Il faut une garantie humaine dans la prise de décision des machines”, considère Jean-Gabriel Ganascia. Les évolutions constantes de l’IA doivent ainsi faire l'objet d’une surveillance accrue.
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