C’était un policier "exemplaire" qui a servi "jusqu’au sacrifice de sa vie", d’après le Premier ministre. Jean Castex a rendu un hommage national, ce mardi 11 mai, à Eric Masson, tué début mai, au cours d’une intervention anti-drogue, à Avignon. Un drame qui relance le débat sur la lutte contre le trafic de stupéfiants, que le Premier ministre a promis de "continuer". "Si on prend les derniers actes commis contre les policiers ou gendarmes, il n’y avait pas nécessairement de rapport avec le trafic de stupéfiants, rappelle toutefois Jean-Baptiste Perrier, professeur à l'université d'Aix-Marseille, et directeur de l'Institut des sciences pénales et de criminologie. En revanche, dans le cadre de ce trafic, il y a des comportements plus violents : davantage d’armes qui circulent, et des acteurs plus jeunes et donc potentiellement plus impulsifs."
Face à cette violence, le Premier ministre a rappelé que "la réponse pénale" devait être au rendez-vous. Jean Castex a d’ailleurs promis plusieurs mesures aux syndicats de police. Concernant la lutte antidrogue, la dernière nouveauté remonte à un peu plus de six mois, avec la généralisation d’une amende forfaitaire de 200 euros pour usage de stupéfiants. Mais Thierry Tintoni-Merklen constate que certains agents des forces de l’ordre n’approuvent plus cette méthode répressive. "En 2020, on a fait un sondage, explique cet ancien capitaine de police, à la retraite depuis presque trois ans, et cofondateur du collectif Police contre la prohibition. Sur les 300 policiers ou gendarmes ayant répondu, 53 % admettent que la répression n’est pas dissuasive, 45 % pensent que le temps mobilisé pour traiter ce délit est excessif, 60 % estiment que la régulation contrôlée par l’État du marché du cannabis serait une bonne solution pour lutter contre le trafic, et restaurer la sécurité et la tranquillité publique."
L’échec de la politique répressive, c’est aussi le constat établi par les députés membres d’une mission d’information sur les différents usages du cannabis. Dans le rapport qu’ils ont récemment rendu, ils proposent donc une solution : la légalisation du cannabis. "Il faut que l’État mette en place les conditions de l’émergence d’un marché suffisamment concurrentiel pour détourner les consommateurs du marché noir, détaille Caroline Janvier, députée de la République en marche dans le Loiret, et rapporteure du texte. À partir du moment où l’État organise ce marché, il peut taxer, comme c’est le cas pour le tabac ou l’alcool. Et ces recettes fiscales peuvent être investies dans des politiques de santé publique et de prévention, et dans les quartiers pour dire aux jeunes qu’il existe d’autres perspectives que ces trafics." Caroline Janvier s’appuie sur des dizaines d’heures d’auditions, mais aussi sur des exemples de pays étrangers : "Une étude a comparé l’État de Washington, qui a légalisé le cannabis, avec d’autres Etats américains, précise la députée. Et on a vu que cette légalisation avait entraîné une diminution des viols de 30 % et des vols de 20 %."
Sans aller jusqu’à la légalisation, une autre solution est envisageable : la dépénalisation. "C’est simplement le fait de dire que la consommation n’est plus une infraction, souligne Jean-Baptiste Perrier, le directeur de l'Institut des sciences pénales et de criminologie. Cela peut sembler hypocrite, mais c’est une solution intermédiaire qui permettrait de consacrer davantage de temps à la lutte contre le trafic."
Une autre hypothèse qui ne convainc pas non plus Rémi Delatte. Le député Les Républicains de la Côte-d’Or fait partie de la même mission d’information que Caroline Janvier. Il partage le constat sur l’échec de la politique répressive, mais il n’en tire pas les mêmes conclusions. "On ne peut pas laisser penser qu’on banalise la consommation de cannabis, réagit-il. Pour autant, je ne dis pas qu’il ne faut rien faire. On doit appréhender autrement le problème des stupéfiants, mais il faut le faire avec humilité. Le président de la République a proposé un débat sur le sujet, et je crois qu’il a raison. Il faut accepter de concerter et devoir ensuite les orientations à prendre."
Emmanuel Macron a effectivement annoncé qu’il voulait organiser un grand débat national, sans plus de précisions pour l’instant. En attendant, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a récemment indiqué qu’une campagne de sensibilisation contre la drogue allait être mise en place avant la fin de l’été.
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