Comment faire redémarrer tout un système à l’arrêt, après l’une des plus graves crises économiques du XXIè siècle ? Le "quoi qu’il en coûte" d’Emmanuel Macron s’est inscrit dans la suite logique d’une réponse mondiale assez inédite : dépenser massivement, en s’endettant, pour soutenir les secteurs les plus en difficulté. Ainsi entre 2020 et 2022, l’épidémie de Covid-19 devrait coûter 424 milliards d’euros aux finances publiques françaises, d’après le gouvernement. Ce mercredi 2 juin, par exemple, le conseil des ministres a adopté un projet de loi de finance rectificative qui prévoit un peu plus de 15 milliards d’euros supplémentaires pour les dispositifs d’aide d’urgence aux entreprises, comme l’activité partielle.
Mais surtout, la France a mis en place, dès septembre dernier, un plan de relance de 100 milliards d’euros, pour investir dans trois secteurs principaux : la transition écologique, la compétitivité et la cohésion sociale et territoriale. 30 milliards d’euros ont déjà été engagés, mais certains veulent aller beaucoup plus loin, et pensent déjà à un second plan de relance. "À court terme, il y aura la sortie de crise et les risques de faillite, donc il faudra peut-être aller un cran plus loin en faisant, par exemple, des annulations de dettes, souligne d’abord Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Cela pourrait entrer dans un nouveau plan de relance de 200 milliards d’euros, qui pourrait s’étaler sur dix ans. Ce serait une opportunité pour construire le monde d’après, avec le télétravail, le numérique, la santé, la recherche, en s’endettant à un taux 0."
Mathieu Plane pense surtout à ce que font les États-Unis, avec un plan de relance de presque 2.000 milliards de dollars proposé par le président Joe Biden. Sans véritablement se soucier du remboursement de la dette… "Les Américains ne pensent plus à la soutenabilité de la dette, mais plutôt à avoir une économie performante pour rivaliser avec la Chine, et maintenir leur leadership dans les domaines stratégiques, analyse l’économiste de l’OFCE. La dette devient le problème des autres, car l’épargnant mondial qui veut investir n’a pas beaucoup de choix, et les Etats-Unis restent une référence. Donc ils profitent de ce paradoxe, et utilisent ce levier budgétaire pour faire des investissements hors norme. Et quand on regarde les prévisions, les Etats-Unis devraient avoir un niveau de PIB, dans quelques années, supérieur à ce qui aurait pu être atteint sans la crise."
En face, l’Union européenne a elle aussi adopté son plan de relance, plus modeste, à tout de même 750 milliards d’euros, dont 40 prévus pour la France. Avant de voir plus loin, Christian de Boissieu, le vice-président du Cercle des économistes, aimerait donc, déjà, que l’argent des plans de relance européen et français soit plus rapidement distribué. "Le plan européen a été ratifié cette semaine, il va commencer à entrer en vigueur en juin et juillet, mais l’essentiel de ce plan arrivera plus tard, regrette-t-il. Commençons, aussi, par engager plus vite que prévu les 100 milliards d’euros du plan français, car c’est maintenant et dans les mois qui viennent qu’on a besoin de consolider la reprise."
Mais au-delà des plans de relance, le rebond économique peut aussi venir de la consommation des ménages, et de la façon dont les Français vont utiliser les quelque 160 milliards d’euros d’épargne accumulés depuis le début de la crise. "Il va falloir rétablir la confiance économique et sociale, c’est-à-dire faire en sorte qu’il n’y ait pas de conséquences sur le marché du travail ou des faillites importantes, car cela pourrait construire une épargne de précaution si les ménages craignent quant à leur avenir, indique Mathieu Plane. Et puis, il faut faire attention à la gestion de la dette : si on annonce des hausses d’impôts ou des politiques d’austérité, il y a également un risque de voir les ménages mettre de l’argent de côté."
Mais depuis quelques semaines, bonne nouvelle : cette confiance des ménages vis-à-vis de la situation économique progresse. "Elle a chuté au début de la crise et depuis, elle se maintenait à bas niveau, observe Julien Pouget, chef du département de la conjoncture à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). En mai, elle remonte avec notamment une nette baisse des craintes en ce qui concerne le chômage. Il se passe quelque chose au niveau de la confiance des ménages, et aussi au niveau du moral des chefs d’entreprise."
Dans ce contexte encore incertain, une solution existe pour participer à la relance économique tout en mettant de l’argent de côté : l’épargne solidaire. "C’est une épargne de long terme, qui sert à financer des projets à forte utilité sociale et environnementale avant de rechercher une rentabilité financière, explique Frédéric Tiberghien, président de Finansol, une association qui défend justement la solidarité dans la finance. On peut souscrire aux placements solidaires par trois canaux : l’épargne salariale, les livrets bancaires chez les banques et assurances, et la souscription directe au capital d’entreprises."
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