L’avocat Erwan Le Morhedec, chroniqueur à La Vie, vient de publier un essai argumenté et documenté contre l’euthanasie. Dans cet ouvrage intitulé Fin de vie en République - Avant d’éteindre la lumière, il questionne les concepts de dignité et de liberté mis en avant par les défenseurs du "droit à mourir dans la dignité". À l'occasion d'une conférence à Nancy, nous avons interrogé l'essayiste.
Dans votre livre Fin de vie en République - Avant d’éteindre la lumière, vous écrivez que les valeurs fondamentales de liberté, d'égalité et de fraternité seraient corrompues si l'euthanasie et le suicide assisté étaient légalisés. Erwan Le Morhedec, l’euthanasie n’est pas une liberté ?
C'est la liberté des plus forts. On fait l’euthanasie pour souffrances physiques insupportables. On sait très bien que quand on la prend en charge dans les soins palliatifs, dans 90 % des cas, elle disparaît. La souffrance, la douleur, on arrive à la faire disparaître. Donc il reste des demandes qui sont des demandes philosophiques, intellectuelles, compréhensibles, mais qui sont souvent des demandes pas contraintes par la douleur d'une certaine élite de la population.
Vous mettez en avant la notion d'égalité en disant, selon une formule d'Orwell, que certains seront plus égaux que d'autres devant l’euthanasie.
C'est évident, parce que ceux qui auront les moyens de bénéficier de soins palliatifs dans des cliniques privées pourront vivre précisément la fin de vie qu'ils souhaiteront. Les autres vivront la fin de vie que l'on connaîtra dans les hôpitaux publics. En Belgique, il arrive fréquemment que l'on propose l'euthanasie. Normalement, on ne devrait jamais le faire.
En quoi l’euthanasie serait la mort de la fraternité ?
La réalité, c'est qu'aujourd'hui on a un endroit, on a une capacité à faire vivre cette fraternité. Ce sont les soins palliatifs. Quand on débat de fin de vie, on parle très rarement de soins palliatifs. Il faudrait débattre d'une vraie prise en charge complète de la fin de vie. C'est bouleversant de voir des soignants qui sont soucieux d'une prise en charge globale d'un patient, autant dans sa souffrance physique que dans ses angoisses morales. Autant pour lui-même que pour ses proches. C'est cette humanité, cette fraternité qu'on devrait faire infuser dans le reste de l'hôpital et dans le reste de la société. Notre société est utilitariste, ce qui conduit beaucoup à penser que la fin de vie ne sert à rien et doit être abrégée parce qu'elle n'est pas utile. Elle est systématiquement pressée alors qu'aux soins palliatifs on sait prendre le temps et laisser le temps aux gens de finir leur vie. Elle est terriblement techniciste : elle n'accorde de poids à la médecine que quand elle accomplit des actes techniques. Parfois, la belle médecine est aussi celle qui sait se retirer et qui sait rester humble face à la maladie, face au patient. Et ça, on sait le faire. Choisissons bien notre évolution parce que celle qui se dessine ne va pas dans ce sens-là.
Erwan Le Morhedec donnait une conférence mardi 05 avril à Villers-lès-Nancy. Il y était question de fin de vie en présence de médecins en soins palliatifs.
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