Depuis un mois et demi, les communications sont coupées entre l'Ifremer, Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer basé à Plouzané dans le Finistère, et la NOAA l'Agence fédérale américaine d'observation océanique et atmosphérique. Un gel qui peut avoir des conséquences inquiétantes sur la recherche océanique.
Du jamais vu! En une vingtaine d'année de carrière, c'est la première fois que Fabrice Pernet, chercheur en biologie marine à l'Ifremer voit la communication coupée entre chercheurs. C'est pourtant bien ce qu'il se passe depuis un mois et demi entre l'Ifremer, Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer basé à Plouzané, dans le Finistère, et la NOAA l'Agence fédérale américaine d'observation océanique et atmosphérique. "Ça fait un mois et demi qu'on n'a plus de signaux de leur part, plus de message, plus d'échange alors qu'on avait l'habitude d'en avoir en moyenne deux fois par semaine", raconte Fabrice Pernet.
Et les conséquences sont directes: des programmes sont mis en pause. "On peut avancer de notre côté mais pour certains programmes collaboratifs d'acquisition de données, par exemple, il y a des données qui nous manquent et qui vont nous manquer dans futur", poursuit le chercheur. Sur des sujets émergents comme celui des "puits de carbone océanique" sur lesquels les scientifiques élaboraient des questions de recherche, "(...) Aujourd'hui on réfléchit entre nous, entre européens et avec d'autres pays que les États-Unis."
Problème, la NOAA est une structure de poids dans la recherche océanique. "Elle couvre tous les domaines liés à l'océan et à l'atmosphère, ça va de la météorologie à la gestion des pêches, à l'aquaculture, à la biodiversité (...)" résume Fabrice Pernet. Ce qui fait d'autant plus craindre que ce gel des communications perdure, par exemple concernant le suivi des températures de l'océan. "Il y aurait toute une partie du globe qui ne serait plus suivie pour la température de l'eau. Donc imaginez derrière vous cherchez à construire des modèles de prévision du climat, il vous manque toute une partie du Pacifique Nord et de l'Atlantique Nord, donc vous ne pouvez plus construire ces modèles."
Le suivi de la température des océans est justement au cœur du programme Argo: un réseau de 4.000 flotteurs dérivant sur toutes les mers du globe, plongeant jusqu’à 2.000 mètres de profondeur, qui permet de mesurer la température et la salinité en temps quasi réel. Dans une interview accordée à l'AFP, le PDG de l'Ifremer François Houllier s'est justement interrogé sur l'avenir de ce programme: "Les États-Unis vont-ils continuer de financer Argo à la hauteur antérieure ? Sinon, à quelle hauteur vont-ils le faire ?"
Une des options sur la table, c'est celle d'accueillir des chercheurs américains en Europe et notamment en France. "On ne pourra jamais accueillir tout le monde, il faudrait que ça fasse sens pour eux comme pour nous", nuance Fabrice Pernet. "Sachant que, nous, au niveau de la recherche française on est également dans une situation malmenée avec des budgets à la baisse année après année, avec des capacités de recrutement qui sont limitées. On ne pourra pas ouvrir les vannes indéfiniment. C'est assez difficile parce qu'on est nous-même très contraints", poursuit-il.
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