Le 19 juillet dernier, après un profond désaccord avec le président de la République, sur la question du budget de la Défense, le général Pierre de Villiers, à l’époque chef d’État-major des Armées (CEMA), démissionne. En cause, les 850 millions d’euros qu’Emmanuel Macron souhaite ôter au budget global de la Défense, pour l’année 2018.
Retour sur une démission fracassante
Une démission fracassante, inédite dans la Vème République, qui a ému plus d’un soldat dans les rangs de la Grande Muette, qui semblait alors retrouver une parole. Une démission qui poussa l’exécutif à réagir publiquement. Une démission sur laquelle le général de Villiers ne s’était jusqu’alors pas exprimé. C’est à travers son dernier livre, Servir (ed. Fayard), que l’ancien CEMA prend aujourd’hui la parole.
Présent vendredi 17 novembre dernier à Lyon, dans le cadre des Entretiens de Valpré, le général Pierre de Villiers revient sur l’enjeu d’un tel ouvrage, au micro de Pauline de Torsiac. "Ce livre n’a pas vocation à expliquer ma décision, mais c’est un livre où je souhaite expliquer aux Français les enjeux de Défense, avec mon expérience de 43 années passées au service des Armées" explique l’ancien CEMA. "La situation du monde est suffisamment dangereuse pour qu’à travers ce livre, on puisse expliquer quelles sont les menaces, ce que font leurs soldats, et surtout ce qu’ils sont. J’ai voulu plaider pour l’unité, et insister sur l’espérance" ajoute Pierre de Villiers.
L’ancien CEMA revient brièvement sur sa démission, rappelant une divergence de fond avec le président de la République, sur les arbitrages financiers, à court terme, portant sur les années 2017 et 2018. Pierre de Villiers évoque également les propos d’Emmanuel Macron à l’hôtel de Brienne le 13 juillet dernier, devant la communauté de Défense. Ce soir-là, le chef de l’État ne mâche pas ses mots pour réaffirmer son autorité sur les Armées.
"Il n’est pas digne d’étaler certains débats sur la place publique. J’ai pris des engagements, je suis votre chef" lance alors le président de la République. Des propos acides adressés directement au CEMA, sans le nommer. Pour Pierre de Villiers, c’est la goutte d’eau. Cette humiliation est celle de trop. Il écrit : "il me semblait impossible de poursuivre ma mission. Le lien de confiance était trop dégradé. Ce sera donc la démission".
Le général de Villiers, qui salue au passage "ce grand ministre de la Défense" que fut Jean-Yves Le Drian, rappelle que durant la précédente mandature, "nous avons réussi à arrête la baisse continue des crédits de la Défense, depuis la fin de la guerre d’Algérie". Pour le soldat, les choses sont claires : "il s’agit maintenant de commencer à ré-augmenter le budget de la Défense dans la mesure des besoins nécessaires."
Ce livre, qui n’est pas un livre-règlement de compte, se veut être un livre vérité. Le général de Villiers souhaite expliquer aux Français la réalité et le quotidien des forces armées sur le terrain, et les conséquences qu’il juge dramatiques de cette fameuse baisse de crédits de 850 millions d’euros, sur la vie des soldats et leurs familles, ainsi que sur le matériel. "Nous avons de belles Armées mais elles sont à 30 % au-dessus de leurs capacités. Il y a un phénomène d’usure. Nous avons besoin de régénérer à court terme nos modèles d’Armées et moderniser nos équipements pour aller jusqu’en 2025" analyse l’ancien CEMA.
Analysant les menaces qui pèsent sur la France et sur le monde, pour justifier la nécessité d’avoir des Armées fortes, le général de Villiers cite notamment le terrorisme islamiste radical et le retour d’États-puissances, dans certaines zones instables de la planète. "Ces deux menaces distinctes mais pas disjointes rendent ce monde dangereux, aggravé par les mutations incontrôlées" précise-t-il.
Face à un monde "dangereux et imprévisible", le général de Villiers souligne l’importance des coopérations militaires internationales. "Il faut coopérer au niveau international. Il y a différentes coopérations, le G5 Sahel, l’Otan ou encore l’Union européenne" lance-t-il avant d’ajouter que "la Défense européenne se construira d’abord par la Défense de l’Europe, celle où des pays européens se mettent d’accord ensemble sur tel ou tel projet concret".
A la fin de son livre, Pierre de Villiers signe un vibrant éloge à la jeunesse. Une note d’espérance. "Ce livre est un message d’espérance pour la France. Nous avons une belle jeunesse. Cette jeunesse a changé ces dernières années sous l’effet des attentats, depuis le 7 janvier 2014, mais aussi parce qu’elle réclame plus d’exigence, elle réclame du sens à sa vie, du respect, de la fraternité. Et les valeurs militaires que nous offrons à cette jeunesse lui apportent une forme de bonheur" conclut-il.
"Toute autorité est un service" rappelle l’ancien CEMA. Aujourd’hui, Pierre de Villiers souhaite servir la France différemment. Pas en politique, confie-t-il. Il veut prendre le temps de réfléchir, et passer du temps avec sa famille, son épouse et ses enfants, "qui ont eux-aussi servi la France à leur manière".
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