Le coronavirus est arrivé de Chine. Pourtant la Chine fait aujourd'hui figure de leader dans la lutte contre la pandémie. "Elle a réussi un grand renversement. Début février, elle était pointée comme la source de tous les maux, et peu à peu elle a réussi à s'imposer sur la scène politique comme le chevalier blanc. Ceci n'a eu qu'un temps, et l'activisme international de la Chine a suscité de la méfiance, voire de l'hostilité" explique Cyrille Bret, philosophe, géopoliticien, enseignant à Sciences Po Paris, animateur du blog Eurasia Prospective.
Une hostilité qui est surtout venue des Etats-Unis. "La présidence Trump a été axée sur la lutte contre la Chine. Il entre dans une position encore plus agressive que d'habitude. Comme s'il y avait une volonté de se rattraper de son bilan catastrophique dans la lutte contre le coronavirus" ajoute le géopoliticien.
Cette guerre diplomatique a déjà des conséquences dramatiques. "La Chine a redoublé ses activités en mer de Chine. Des frictions militaires peuvent surgir, et pas dans un horizon très lointain. Mais le premier champ de bataille, sera sur la reprise économique. Les deux puissances vont se livrer un combat pour reprendre des parts de marché. Elles essaieront de se tailler des parts dans un gâteau qui est en train de se réduire" lance-t-il.
Dans ce duel, la Russie essaie de suivre son propre chemin. "Elle doit renouer avec l'autorité érodée de Vladimir Poutine, qui a eu un début de gestion en mars assez dilletant. Aujourd'hui, le bilan s'accroît. La pandémie est arrivée au Russie au moment où Vladimir Poutine était engagé dans une réforme constitutionnelle qui lui aurait permis de conserver le pouvoir pendant la décennie à venir" rappelle Cyrille Bret.
En Europe, "le premier mouvement a été le chacun pour soi. l'Union européenne n'a pas de compétences sanitaires, et la gestion des frontières est une compétence régalienne. Il y a eu un repli nationaliste, puis dans les semaines qui ont suivi, une extrême coordination, qui montrait une Union européenne beaucoup plus à son affaire. Le plan de plus de 500 milliards d'euros mis en place en Europe est l'un des plus considérables au monde. Et il y aura ensuite un plan de relance européen. La crise a accentué une tendance existante : d'un côté une tentation du repli, et de l'autre une coordination renforcée face à la crise" estime-t-il.
Au Moyen-Orient, "tous les acteurs en présence ont tenté d'exploiter l'épidémie. Daesh ne fait pas exception. Une fois le choc de l'épidémie encaissé, chaque acteur essaiera de mettre à profit la pandémie. L'épidémie cause évidemment des crises, mais elle est aussi souvent un prétexte pour masquer de nouvelles crises, ou pour prendre l'avantage sur un adversaire" lance Cyrille Bret.
Ce dernier conclut que les grands flux de mondialisation ont été mis à l'épreuve avec cette pandémie. Elle nécessite de revoir ces mécanismes, sans pour autant tout remettre en cause. "Ce sont de nouvelles formes de coopération qui sont nécessaires" conclut-il.
Penser l’après : des forts plus forts dans un monde affaibli, par Cyrille Bret
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