Il enchaîne un peu les polémiques, depuis plusieurs mois : l’une des dernières en date concerne la présence de Gérald Darmanin à une manifestation de policiers, devant l’Assemblée nationale, le 19 mai. Manifestation jugée "assez glaçante" par Audrey Pulvar, la tête de liste socialiste aux régionales en Ile-de-France. Des propos diffamatoires, d’après le ministre de l’Intérieur, qui a voulu porter plainte, ce qui a été mal perçu. Une énième controverse dans laquelle s’est empêtré le locataire de la place Beauvau.
Mais à seulement 38 ans, Gérald Darmanin connaît déjà bien les rouages de la politique, lui qui s’est engagé au Rassemblement pour la République (RPR) dès ses 16 ans, avant d’épauler pendant plusieurs années l’ancien député controversé Christian Vanneste. "Il correspond à un profil bien répertorié, de quelqu’un qui s’engage très jeune, dans l’ombre d’une personnalité politique locale importante et qui gravit les échelons rapidement", analyse Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Son CV se remplit donc progressivement : conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais à 27 ans, député du Nord deux ans plus tard, puis maire de Tourcoing en 2014 – il a d’ailleurs été réélu en 2020. Sans oublier ses rôles auprès des cadres de sa famille politique, devenue Union pour un mouvement populaire (UMP) puis Les Républicains.
Mais Gérald Darmanin va véritablement voir sa carrière s’envoler en 2017, lorsqu’il est nommé ministre de l’Action et des Comptes publics dans le gouvernement d’Edouard Philippe, après l’élection d’Emmanuel Macron. Le nouveau président marcheur "avait sans aucun doute besoin, sur l’aspect économique, de personnalités de poids venant de la droite et pouvant incarner, aux yeux des électeurs, une gestion rigoureuse", ajoute Bruno Cautrès.
Nouveau tournant en juillet 2020, lorsque Gérald Darmanin devient ministre de l’Intérieur, et qu’il marche définitivement dans les pas de son mentor : Nicolas Sarkozy. L’ancien président avait lui aussi été ministre du Budget avant d’occuper la place Beauvau… Avec un style que Gérald Darmanin essaie de reproduire très fidèlement. "D’abord en s’affirmant comme le défenseur des policiers, note Arnaud Mercier, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 2 Panthéon-Assas. Ensuite, en utilisant des phrases qui choquent parfois. Et puis en occupant le terrain, en étant partout où il se passe quelque chose."
Reste à savoir si, sur le fond, cette stratégie fonctionne. "Quand un ministre débarque dans un commissariat, entouré de gardes du corps, je ne sais pas s’il est vraiment sur le terrain, s’interroge Christian Mouhanna, chercheur au CNRS et membre du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). Ses visites sont annoncées, donc on en profite pour donner un coup de peinture au commissariat. Il y a toute une mise en scène, qui n’aide pas forcément à prendre en compte ce qui se passe réellement sur le terrain."
Sur la forme en tout cas, les résultats de la stratégie Darmanin sont plutôt efficaces, d’après Arnaud Mercier. "Il y a des ambiguïtés sur le soutien de l’exécutif, tempère toutefois le professeur en sciences de l’information et de la communication. On voit percer dans la presse que certains membres de la majorité trouvent qu’il exagère, qu’il fait un peu trop la course à l’échalote avec le Rassemblement national. Mais cette stratégie ne vise pas à être aimé de tous. C’est une stratégie clivante, qui consiste à être apprécié de ceux qui ont envie d’entendre ce discours, quitte à être détesté."
Gérald Darmanin devra toutefois faire attention à ne pas se brûler les ailes, s’il veut aller plus loin. Ce qui ne fait aucun doute, d’après Arnaud Mercier : "Ce personnage politique dégage une soif de reconnaissance et de prestige qui fait qu’on ne l’imagine pas se contenter d’avoir été ancien ministre de l’Intérieur." En attendant, Gérald Darmanin est toujours placé sous le statut de témoin assisté dans le cadre d’une enquête où il est accusé de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance, pour des faits qui dateraient de 2009.
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