Le Père Teissier, à la fois français et algérien, a été un homme de la rencontre et du dialogue des cultures. J’ai eu la joie de le connaître et de converser avec lui.
Il signait simplement comme il vivait, lui-même, en homme, tel quel : « Amitiés. Henri Teissier ». Une amitié de terrain, très perceptible quand il conduisait sa voiture, une main sur le volant, l’autre main accompagnant sa parole et son regard aux aguets, tourné vers des lieux et des visages dont il gardait la mémoire fidèlement. A cela s’ajoutaient sa détermination, le courage d’un homme de foi et cultivé. Passionné intarissable de l’émir Abdelkader, il voyait en ce prophète du milieu du XIXe siècle, un pionnier du dialogue islamo-chrétien qui annonçait déjà l’urgence de vivre en frères, en Algérie.
Henri Teissier était convaincu que le Royaume de Dieu se construit là « où l’on travaille pour l’humanité ». De fait, il a vécu en chercheur d’humanité infatigable, par tous les temps, notamment durant les années noires d’Algérie au milieu du terrorisme, une fraternité désarmante qui ne cède pas devant ce qui n’est pas négociable : le respect de la vie humaine et de la parole donnée, la confrontation sans la violence.
Il nous a conduits Anne et moi, comme bien d’autres, à Tibherine, après l’assassinat des moines. Je le vois encore assis à côté du jardinier, témoins ensemble d’une présence qui ne s’éteint pas. Une telle présence d’une Église pour des frères, quels qu’ils soient, est palpable dans Des hommes et des dieux. Dans le film, est évoquée la métaphore de l’arbre et des branches sur lesquelles les oiseaux viennent se reposer. Un moine dit à une voisine algérienne : « Nous sommes les oiseaux et vous la branche ». Elle répond : « Les oiseaux, c’est nous, vous, vous eÌtes la branche. Si vous partez, sur qui pourrions-nous nous reposer ? » Cette belle hospitalité réciproque demeure vivante aujourd’hui, entre autochtones et missionnaires qui ont épousé cette terre pour toujours.
Le Père Teissier sera inhumé mercredi dans la basilique de Notre Dame d'Afrique à Alger. Lors de l’homélie des funérailles, samedi dernier, à Lyon, le Père Christian Delorme s’adressait ainsi à son ami :
Avec votre corps, c’est tout notre amour pour le peuple algérien qui part avec vous.
Une parole de vie en Algérie.
Des racines et des ailes pour une histoire fraternelle écrite à la lumière de l’Évangile, dès le 2ème siècle, et exaltée un plus tard par St Augustin (354-430) :
L’amour fraternel vient de Dieu, il est Dieu même.
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