Le 5 juin 2019, après 4 ans de travaux, l’hôtel Intercontinental Lyon Hôtel Dieu ouvrait ses portes au grand public. Une transformation radicale pour un hôpital devenu hôtel 5 étoiles. Avant cet exemple sur les quais du Rhône, d’autres bâtiments du patrimoine lyonnais se sont transformés en lieu d’hébergement de luxe : Fourvière Hôtel, ancien Hôpital Debrousse ou même plus récemment les Suites de l’Île Barbe et le Fort Saint-Laurent. Une métamorphose au service du patrimoine, qui profite aussi bien aux groupes privés, en quête d’une expérience client moins standardisée.
L’idée avait de quoi faire peur : transformer un hôpital du centre-ville de Lyon en hôtel de luxe. En 2007, les activités hospitalières de l’Hôtel-Dieu sont transférées pour permettre à l’édifice d’engager d’importants travaux. « L’hospitalité réinventée », peut-on encore lire sur le site internet d'Eiffage Construction, qui justifie les 200 millions d’euros de travaux engagés. Quelques années plus tard, en juin 2019, le site alors classé depuis 2011 aux monuments historiques, voit l’Intercontinental Hôtel-Dieu ouvrir ses portes : un hôtel cinq étoiles, en cœur de ville avec 144 suites et chambres vu Rhône. Une aubaine pour IHG, groupe privé, qui calque son modèle lyonnais sur celui de son voisin marseillais ouvert six ans plus tôt, aussi dans les bâtiments de l’ancien Hôtel Dieu.
En la matière, l’Hôtel-Dieu Intercontinental de Lyon ne fait pas figure d’exception. Bien que son projet de reconversion est emblématique de ce type de transformation, des projets de groupes privés qui s’implantent sur des lieux historiques lyonnais, il y en a eu avant. Le Fourvière Hôtel, implanté au sein du couvent de la Visitation édifié en 1854, est devenu un lieu d’hébergement 4 étoiles en 2015. Édifiée par Pierre-Marie Bossan, avant Fourvière, l’architecture rappelle tout de même celle de la basilique. Le nouvel hôtel, plus intimiste que l’Intercontinental en contrebas de la colline, a souhaité maintenir l’héritage architectural de son bâtisseur. « Avec nos 75 chambres, on va raconter la naissance de Lyon jusqu'à aujourd'hui à travers 75 personnages qui ont participé à l’essor de la ville », explique Julien Schruoffeneger, directeur du Fourvière Hôtel.
Avec nos 75 chambres, on va raconter la naissance de Lyon jusqu'à aujourd'hui à travers 75 personnages qui ont participé à l'essor de la ville
Autre lieu marquant original de l’hôtel : l’ancienne chapelle réhabilitée en réception avec un plafond orné d’origine. « Il y a trois petits détails que j’affectionne particulièrement : la succession d’anges qui prient sur la partie supérieure du maître-autel ; un ange qui est juste au-dessus de la sacristie, réservée aux sœurs à l’époque et le sacré-cœur aux couleurs incroyables ».
Julien Schruoffeneger a bien conscience de la chance d’avoir un lieu de travail comme celui-ci : « Être hôtelier et travailler dans un lieu comme celui-ci est assez incroyable. Il faut être touché, et avoir quand même de l’humilité, car c’est la bâtisse en elle-même qui vient s’exprimer ».
Le patrimoine répond ainsi à une demande de l’hôtellerie. Des lieux moins standardisés, où une expérience client est offerte trouvable nulle part ailleurs, qui engage les groupes privés à une promesse : la découvrabilité du patrimoine, tout en respectant les standards hôteliers de luxe. C’est aussi le cas pour le Fort Saint-Laurent, qui a basé sa politique de réhabilitation sur le moderne dans l’ancien. « C’est tout le souhait du Fort Saint-Laurent de retrouver tous ces éléments qui sont d’origine, que ce soit l’escalier en pierre qui fait partie de l'histoire de ce bastion, mais aussi la partie décoration plus contemporaine pour en faire l’hôtel qu’il est devenu aujourd’hui », présente Laura Besson-Damegon, directrice adjointe de l’hôtel Spa Fort Saint-Laurent. « Par exemple, les meurtrières étaient déjà existantes, elles ont seulement été agrandies pour maintenir l'esprit du fort militaire », précise-t-elle.
Être hôtelier et travailler dans un lieu comme celui-ci est assez incroyable. Il faut être touché, et avoir quand même de l'humilité, car c'est la bâtisse en elle-même qui vient s'exprimer
Comme ses confrères professionnels de l’hôtellerie, Laura Besson-Damegon constate une nouvelle tendance du secteur : « On recherche plutôt de l’expérience avec des hôtels qui ont une âme, pas forcément seulement une chambre et un petit-déjeuner ». Reste désormais à savoir si l’offre a accéléré la demande des clients ou bien l’inverse ? « Un peu des deux », souligne la professionnelle de l’hôtellerie. « Il y avait un besoin et une attente de nos clients de vivre une expérience [... ] mais je pense aussi qu’il y a l’hôtelier qui s’est redécouvert et crée de nouvelles choses », analyse celle qui est entrée dans le projet début 2024.
Si le patrimoine répond aux besoins de l'hôtellerie, l’inverse semble aussi se confirmer au fil des années à Lyon : l’hôtellerie est aujourd’hui au service d’un patrimoine en quête d’une seconde vie. Propriété des collectivités et des puissances publiques, engager d’importants projets de réhabilitation était à l’époque impensable pour la Métropole ou pour les Hospices civiles de Lyon. « Le Grand Hôtel-Dieu [qui appartient aux HCL, NDLR,], c’est a minima 250 millions d’euros qu’il faut mettre sur la table. L’argent que vous consacrez à cet effort-là, vous ne le consacrez pas à autre chose », souligne Michel Le Faou, ancien vice-président de la Métropole délégué à l’urbanisme qui a suivi tous ces dossiers entre 2014 et 2020. « C’est un choix qui a été fait à l’époque, et je trouve que c’est un bon choix ». Un bon choix qui se confirme dans les chiffres : avec un taux d’occupation de 60 % en 2022, l’Intercontinental Hôtel-Dieu remplit ses objectifs et la bâtisse de l’Hôtel-Dieu a fait peau neuve. Un combo gagnant-gagnant.
On recherche plutôt une expérience avec des hôtels qui ont une âme, pas forcément seulement une chambre et un petit-déjeuner
Autre particularité de la ville de Lyon : « Il y a eu une concentration de projets sur une durée relativement courte. Cela a peut-être mis davantage ce phénomène en visibilité qu’ailleurs », remarque Michel Le Faou qui cite aussi d’autres exemples. « On peut aussi parler de l’ancien Hôpital Debrousse, de la villa Maïa sur le site de l’Antiquaille ». Le prochain hôtel de ce type à ouvrir : le château de la Motte du parc Sergent-Blandan dans le 7 arrondissement de la capitale des Gaules. Le coût des travaux s’élève à 35 millions d’euros, mais là aussi le budget est bien trop important pour la Métropole, propriétaire du lieu. Le promoteur Carré d’Or va donc s’en charger pour une livraison prévue en 2027.
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