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Immigration : les bourgeois naïfs et les bourgeois inquiets

RCF,  - Modifié le 20 septembre 2019
Emmanuel Macron a évoqué récemment la situation de l'immigration en France, l'occasion de chercher à comprendre ce débat fermé depuis des années
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Enfin… enfin le débat pourrait s’ouvrir. Par quelques mots prononcés devant des parlementaires l’autre soir, le Président de la République place le sujet au centre : « Nous sommes une terre d’immigration. Cela crée des tensions mais il faut regarder en face (…) Nous n’avons pas le droit de ne pas regarder le sujet en face. »

Celui qui migre nous oblige à regarder la terre dont il part. Regarder « en face » n’est pas regarder simplement au cœur de notre ville, au cœur de notre bourg, mais regarder aussi hors de nos remparts.

Replacer la question au cœur de notre société, c’est d’abord dire la vérité : aujourd’hui notre système est en panne. Il ne fait même plus illusion et les milliers de personnes qui vivent dans nos rues, et parfois même dans nos poubelles, nous obligent à regarder en face cette réalité. Nous reconnaissons des droits que nous n’appliquons pas, comme celui à toute personne entrant en France de pouvoir exprimer clairement les motifs de sa venue. Comme celui de protéger toute personne qui demande l’asile. Comme celui de mettre à l’abri les femmes et les enfants. Nous rendons des jugements qui ne sont suivis d’aucun effet comme les reconductions à la frontière des personnes déboutées de leur demande. Et nous faisons comme si ces centaines de milliers de personnes qui vivent clandestinement sur notre territoire n’existaient pas.

Nous refusons de considérer qu’il puisse y avoir d’autre motif de quitter son pays que la persécution politique ou religieuse, nous refusons d’admettre qu’il puisse y avoir un droit à demander l’asile pour motif économique ou climatique. Et dans le même temps nous laissons à des pays sans foi ni loi le soin de faire régner l’ordre à nos frontières. Nous dépensons des fortunes à abriter en urgence dans des chambres d’hôtels des personnes exténuées et souvent désespérées et nous n’investissons qu’à peine dans des logements pérennes.

Nous laissons s’entasser de pauvres hères dans les quartiers les plus pauvres pour en décourager d’autres à venir les rejoindre et nous nous nous effrayons de les voir parfois sombrer dans la drogue et la violence. Et dans le même temps, nous laissons quelques tribuns d’occasion faire de ces hommes le gibier de leurs slogans et le marchepied de leurs popularités.

Pour l’instant le grand mérite de la déclaration présidentielle est d’imposer un sujet sur lequel les experts en communication de tout poil expliquent depuis des années qu’il ne faut plus parler tant il est clivant. Comme si faire appel à l’intelligence et au cœur des habitants de ce pays était dangereux. A condition de ne pas tomber dans les discours faciles, à condition de présenter les faits tels qu’ils sont et non tels qu’on peut les fantasmer parfois, à condition de vouloir œuvrer pour le Bien et non pour l’intérêt particulier, oui ce débat peut porter du fruit.

Au Moyen-Age, le « bourgeois », pour reprendre l’expression qui fait couler tant d’encre, est celui qui habite le bourg, il n’existe pas « hors les murs » de sa cité, là où vivaient ceux que l’on appelait il y a longtemps les « manants », sujets des juridictions seigneuriales.

Il y a dans nos villes des bourgeois naïfs qui croient que tout est simple, et des bourgeois inquiets qui voient tout comme un danger. Souhaitons, pour l’avenir de notre société, de notre culture et de la foi chrétienne, que nous ne nous enfermions pas, sur ce sujet comme sur d’autres, dans un regard bourgeois. Le manant d’aujourd’hui comme d’hier est d’abord un frère dont il nous faut prendre soin avec justice et miséricorde.

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