"La violence conjugale est un fait de société. Depuis 2006, on a commencé à compter les meurtres de femmes. On a toujours entre 120 et 140 femmes qui meurent tuées par leur conjoint chaque année. On ne peut pas accepter ça. La mobilisation durant le Grenelle a bien montré que la société prenait en compte cette question" explique Isabelle Rome, magistrate, haute fonctionnaire à l’égalité femme-homme, coordinatrice du plan de lutte contre les violences conjugales au sein du ministère de la Justice, auteur de "Liberté, égalité, survie" (éd. Stock).
On a longtemps employé le terme de femme battue. Un terme que n’aime pas du tout Isabelle Rome. Dans son livre, elle parle de "femme puissante". "Comme si on était assignée à être une femme battue toute sa vie. On n’est pas victime à vie, on peut s’en sortir, on peut être une femme puissante" lance cette magistrate.
Cette dernière rappelle qu’il n’est jamais trop tard pour sortir de telles situations. "Toutes les femmes qui connaissent cette situation, ou qui en sont proches, doivent se le dire. Elles doivent comprendre qu’il y a des manières de s’en sortir. Il y a des associations, des avocats, la justice. Toutes ces personnes peuvent les aider et les accompagner pour les sortir de la violence" estime Isabelle Rome
Pour autant, s’en sortir est loin d’être une chose aisée. Isabelle Rome décrit ce long processus dans son livre. "L’emprise rend les choses difficiles. Le conjoint violent est dans une forme de toute puissance, place l’autre sous sa domination et la rend extrêmement dépendante. Parfois, les femmes qui se trouvent dans ce genre de cas, essaient de s’en sortir, culpabilisent, et retournent avec leur conjoint. Pendant des années, on pensait qu’elles étaient ambivalentes. Ces hésitations, ces tâtonnements font partie de ce cheminement psychologique induit par ce phénomène d’emprise" rappelle la magistrate.
Petit à petit, en France, on commence à se donner les moyens de répondre à ce phénomène dont on prend conscience de plus en plus. "Il est important de savoir que les grandes institutions, les services publics, la justice, la police, la gendarmerie, l’éducation nationale, sont mobilisées en partenariat avec l’action des associations spécialisées. Nous devons établir un maillage contre les violences faites aux femmes" précise Isabelle Rome, qui conclut en rappelant que "donner une gifle à sa conjointe, ce n’est pas un acte neutre".
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