La statue en acier inoxydable de l'Abbé Pierre qui trônait au Emmaüs de Vénissieux a, depuis les révélations récentes de violences sexuelles, été retirée par les compagnons d'Emmaüs. La statue avait été réalisée il y a une quinzaine d'années par Marc Stora, un sculpteur isérois. Rencontre dans son atelier à Chuzelles, dans le Nord-Isère.
L’abbé Pierre l’appelait lui-même « son double d'acier ». Sa statue en acier inoxydable grandeur nature inaugurée par l’Abbé lui-même au Emmaüs de Vénissieux en 2005. Lors d’un d’une réunion du conseil d’administration d'Emmaüs il y a quelques semaines, la statue a été retirée. Marc Stora, le sculpteur ferronnier qui avait mis plus d’un an et demi à la tailler, était présent.
Les révélations sur l’Abbé Pierre l’ont, comme beaucoup, « abasourdi » : « Pour moi ça a été quand même la rencontre la plus importante dans ma vie, je l’ai rencontré quatre fois en tout, puis une dernière fois au téléphone. Il me parlait comme à un ami, très simplement. Alors c’est vous dire si la déception a été grande quand on apprend le double personnage que c’était ». Il le compare au personnage de Docteur Jekyll et Mr Hyde de Robert Louis Stevenson. « J’ai rencontré le gentil Dr. Jekyll, et des femmes ont eu le malheur de connaître l’abominable Mr. Hyde », se désole-t-il.
« Il a un visage assez dissymétrique, vous voyez, s’amuse-t-il en décrivant les photos qui lui ont servies de modèle, toujours accrochées dans son atelier. Un œil plus haut que l’autre, une oreille un peu décollée… Mais c’était l’Abbé Pierre ! Il était d’une gentillesse… La confiance qu’il avait en moi, je la trouvais extraordinaire ». Cette confiance, pourtant, Marc Stora a dû la gagner durement.
La photographie de l'Abbé Pierre aux côtés de son "double d'acier" est encore sur les murs de l'atelier de Marc Stora, sculpteur isérois - © RCF Lyon (Chloé Pasquinelli)
C’est en rencontrant un des neveux de l’Abbé Pierre que lui vient l’idée de faire une première statue de plain-pied en acier inoxydable. Avant celle-ci, l’artisan ferronnier alors proche de la retraite, n’avait fait que deux autres bustes : l’un d’eux, immense, représentant Charles de Gaulle.
Au premier rendez-vous, l’Abbé Pierre est dubitatif : « Il me dit "Pourquoi, quel intérêt de faire ma statue ?". Il n’était pas beaucoup emballé ». L’assurance de reverser 75 % de la vente à la Fondation Abbé Pierre ou Emmaüs finit par le convaincre. « J’ai fait les premières photos, puis j’ai commencé le travail. Son neveu est venu me voir plusieurs fois dans mon atelier, a envoyé des photos de mon travail à son oncle, et là, ça lui a plu et il m’a accueilli beaucoup plus chaleureusement les fois suivantes ».
Après plusieurs rencontres, la statue est finalement inaugurée en 2005 au Emmaüs de Vénissieux, là où vivent 90 compagnons sauvés de la rue, et en présence de l’Abbé Pierre. La statue le représente sortant d’un bâtiment Emmaüs, main tendue vers un visiteur : « Je crois que c’est cette expression que je lui ai donnée qui lui a plu ».
Aujourd’hui, la statue est devenue un héritage encombrant. Emmaüs lui propose de la conserver dans un local, auquel cas il devrait renoncer à toute propriété de l'œuvre, mais il craint de ce qu’elle pourrait devenir. « Je devrais la récupérer mais je ne sais pas où la mettre. Si c’est pour la laisser sous un hangar… Avec le bonheur que j’ai eu à la faire, je ne me vois pas prendre un chalumeau pour la détruire. Mais on ne peut pas non plus la laisser aux yeux de personnes qui ne veulent pas la voir ».
Il pense récupérer prochainement la statue qui devrait retrouver la trentaine d'autres personnages grandeur nature en acier qui peuplent son atelier.
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