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"Je veux mourir ne signifie pas je veux être euthanasié" pour Marie-Dominique Trébuchet

RCF, le 2 mars 2018 - Modifié le 7 juin 2024
L'Invité de la MatinaleJe veux mourir ne signifie pas je veux être euthanasié pour Marie-Dominique Trébuchet

Marie-Dominique Trebuchet, vice-présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, réagit à une tribune promouvant l'euthanasie et le suicide assisté.

Chambre d'hôpital @ PixabayChambre d'hôpital @ Pixabay

"On meurt mal en France": un constat en partie vraie

Jeudi 1er mars dernier, 156 députés ont publié dans le journal Le Monde une tribune demandant un droit à mourir pour les personnes en fin de vie. Cette tribune commence par un constat : on meurt mal en France. Une tribune extrêmement grave pour Marie-Dominique Trebuchet. "C’est un constat qui est en partie vrai et la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs travaille énormément avec le gouvernement pour transformer la mort à l’hôpital, dans les Ehpad, à domicile, pour que la période de la fin de vie soit davantage accompagnée, que les souffrances soient davantage soulagées, et pour que l’on puisse mourir accompagné de ses proches, soulagé, et mieux" explique Marie-Dominique Trébuchet, théologienne, enseignante à l’ICP, directrice de l’Institut supérieur de sciences religieuses, et vice-présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.

Malgré cela, il existe encore des situations difficiles dans ce domaine. "Nous manquons de moyens. Les professionnels sont encore insuffisamment formés aux soins palliatifs. Les soins palliatifs progressent et nous avons à progresser encore pour que tous les soignants soient formés à cet accompagnement et à ce soulagement, et notamment au maniement des produits, des substances utiles pour soulager au mieux les personnes" ajoute Marie-Dominique Trebuchet.
 

Le flou des euthanasies clandestines

Les signataires de cette tribune demandent donc un droit à mourir. Ils citent un rapport de l’Ined selon lequel entre 2 000 et 4 000 personnes recevraient chaque année en France une aide clandestine à mourir. "Cette tribune énonce des affirmations qui peuvent être prises pour des vérités intangibles. On ne sait pas aujourd’hui en France combien il y a d’euthanasies clandestines. Ces chiffres se basent sur une interprétation de ce rapport en extrapolant des pourcentages à partir de sondages. On ne peut pas se baser sur ces chiffres pour affirmer qu’il faut évoluer sur le fait de mettre fin à une vie" précise cette spécialiste des soins palliatifs.

A l’heure actuelle, et l’euthanasie, et le suicide assisté sont interdits en France. "La loi Claeys-Leonetti qui fête ses deux ans a fait le choix de choisir de soulager et accompagner les personnes et non pas mettre fin à leur vie même si c’est sur leur demande. L’euthanasie c’est mettre fin à la vie de la personne sur sa demande avec une injection létale. Le suicide assisté consiste à donner un produit à la personne qu’elle-même pourra prendre pour mettre fin à sa vie" distingue-t-elle.
 

"Prendre soin de la personne jusqu'au bout"

La difficulté d’un tel sujet porte sur les spécificités de chaque cas de fin de vie. "L’extrême grande majorité des personnes sont soulagées par l’arsenal thérapeutique dont on dispose, jusqu’à la sédation profonde et continue, jusqu’au décès, permis par la loi Claeys-Leonetti. Dire que 100 % des situations seraient réglées serait faux, mais aucune loi ne règlera 100 % des situations humaines, qui sont complexes" lance encore Marie-Dominique Trebuchet.

Car entre l’euthanasie et la sédation profonde et continue, il y a une différence fondamentale, explique-t-elle. "La différence est extrêmement importante. Nous ne parlons pas du tout de la même chose. Une euthanasie est le fait d’injecter un produit létal pour mettre fin à la vie de la personne sur sa demande. Dans le cas d’une sédation profonde et continue, il s’agit d’injecter des produits qui vont peu à peu faire perdre conscience à la personne et soulager, pour que le processus de mort puisse avancer. Il ne s’agit pas de laisser mourir, et de prendre soin jusqu’au bout" rappelle bien la vice-présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs.

Former l'intégralité des médecins et des soignants

Aujourd’hui, la médecine française a les moyens de soulager les souffrances des malades. "Mais l’objectif, c’est la formation. La formation de tous les médecins en particulier, non seulement ceux qui travaillent en équipe de soins palliatifs, mais également l’ensemble des médecins et des soignants" explique Marie-Dominique Trebuchet, qui rappelle que dans un cadre d’accompagnement, dans la majorité des cas, les demandes de mort des patients tombent.

Les députés signataires de la tribune dans Le Monde mettent en avant la question de la liberté. Ce qui est assez nouveau. "Le suicide n’est pas un droit. Le suicide est une liberté. On s’occupe assez du suicide en France pour le prévenir : chez les handicapés, chez les jeunes, chez les agriculteurs. On s’en occupe assez pour ne pas, d’un autre côté, le réclamer comme un droit. Par rapport à la question de la liberté, c’est la nature même de la société qui est en jeu" conclut-elle.

Cliquez ici pour lire en ligne le manifeste de la SFAP 

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