Plus de trois ans après la victoire du « Leave » lors du référendum britannique, le Brexit n’a pas encore pris effets. Après plusieurs rebondissements, la date de sortie devait pourtant être celle d’aujourd’hui, le 31 octobre 2019, mais un nouveau report a été accordé lundi. Il accorde une date butoir au 31 janvier mais avec la possibilité pour le Royaume-Uni de quitter l’Union européenne plus tôt en cas de ratification de l’accord par les parlementaires britanniques.
En attendant, le Premier ministre, Boris Johnson s’active pour que le Brexit se concrétise. Il fait pour cela le pari d’élections législatives anticipées qui ont été acceptées par les parlementaires. Elles se tiendront le 12 décembre prochain. Pour rendre le Brexit effectif, Bojo n’est donc confronté qu’à une unique condition : avoir la majorité absolue. "Aujourd’hui il n’a plus de majorité, même relative. C’est un pari sur l’avenir. Il mise sur les déceptions qui marquent les grands partis politiques en espérant rallier une grande partie des électeurs pour se doter d’une majorité qui lui laisse les coudées franches" explique Jean-Louis Clergerie, professeur émérite de droit public, auteur de "L’impasse du Brexit" (éd. Temps présent).
Ce dernier rappelle le contexte politique très délicat auquel est confronté le Royaume-Uni. "Tous les partis politiques britanniques sortent divisés dans cette affaire du Brexit. On a vu un certain nombre de leaders britanniques changer d’avis sur le Brexit, à commencer par le Premier ministre Johnson qui a d’abord été pendant un certain temps tout à fait hostile au Brexit avant de s’y rallier pour des raisons de politique politicienne et pour servir des ambitions personnelles" ajoute-t-il.
Indépendamment de cette situation politique locale, un accord a été trouvé avec Bruxelles. Un accord qualifié de compromis un peu bancal par Jean-Louis Clergerie. "Il demande évidemment un certain nombre de précisions. Il est prévu une période de transition jusqu’au 20 décembre 2020. À l’issue de cela, le Royaume-Uni sortirait de l’Union douanière, et pourrait reprendre la main sur sa politique commerciale. Par contre l’Irlande du Nord resterait alignée sur un ensemble limité de règles relatives au marché unique européen" explique-t-il.
Pour ce professeur émérite de droit public, le risque d’un no deal semble écarté. "Il m’a toujours paru très difficile qu’il y ait une sortie sans accord. Pour moi, c’était un moyen de pression de la part de Boris Johnson sur les Européens. Car finalement, tout le monde a fait des concessions. Boris Johnson, en acceptant d’assouplir sa position sur l’Irlande. Et les 27 en acceptant de modifier sensiblement l’accord rejeté par trois fois à la chambre des Communes" rappelle-t-il.
Malgré le réchauffement des relations entre l’UE et le Royaume-Uni sur ce dossier, Jean-Louis Clergerie reste persuadé que le Brexit est une impasse. "Il semblerait qu’il n’y ait aucune solution satisfaisante. C’est extrêmement dangereux pour le Royaume-Uni. Il y a un point très important dont on a peu parlé, la dette britannique par rapport à l’UE. On estime entre 40 et 80 milliards d’euros le montant de cette dette. Si les Britanniques ne remboursent pas, nous n’avons aucun moyen de pression. Cela signifie que ce sera aux citoyens européens d’acquitter la dette que les Britanniques refusent de payer" conclut-il.
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