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Jean-Luc Chenut : “Si on ne fait rien, nous pourrions nous trouver dans une situation de cessation de paiement à la fin de l'année”

Un article rédigé par Cécile Pollart - RCF Côtes d'Armor, le 24 juin 2024 - Modifié le 24 juin 2024

Le Département d’Ille-et-Vilaine adopte cette semaine un plan d’économie de 8 millions d’euros. Dans une situation financière défavorable, la collectivité est contrainte de réduire plusieurs postes de dépenses qui ne relèvent pas de ses compétences obligatoires. Entretien avec Jean-Luc Chenut, le président du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine.

Jean-Luc Chenut alerte sur les risques financiers qui pèsent sur le Département d'Ille-et-Vilaine depuis plusieurs mois © Jérôme SevretteJean-Luc Chenut alerte sur les risques financiers qui pèsent sur le Département d'Ille-et-Vilaine depuis plusieurs mois © Jérôme Sevrette

L’assemblée départementale d’Ille-et-Vilaine s’est réunie les 20 et 21 juin à Rennes pour examiner notamment, les comptes administratifs de 2023. Au programme, un plan d’économie de 8 millions d’euros doit permettre à la collectivité de réduire son recours à l’emprunt dans un contexte budgétaire extrêmement difficile : de 110 millions d’euros l’an dernier, l’épargne nette du Département n’est plus que de 2 millions d’euros.

L'épargne nette du Département a fondu en un an. Que s'est-il passé ? Que faut-il en penser pour l'avenir ?

Jean-Luc Chenut : Bien sûr, nous ne découvrons pas ces chiffres. On les suit au quotidien et j'ai pu redire que l'année dernière lorsque nous votions le chiffre qui constatait ce record à 110 millions, je disais déjà à mes collègues, qui pouvaient se dire que nous étions dans une situation extrêmement favorable, que ce n'était déjà plus vrai parce que la chute des droits de mutation était déjà engagée depuis le début de l'année 2023. Au final, ça a été 51 millions d'euros de pertes pour nous, mais plus de 4 milliards à l'échelle nationale ! En moyenne, 20 % pour tous les départements de France.

Au même moment, nous assistons à une montée très sensible des dépenses sociales. Et pour la première fois sur les quatre grands secteurs : la protection de l'enfance, le RSA, le handicap et les personnes âgées dépendantes. Par exemple, nous avons constaté un niveau inégalé de progression, près de 15 %, sur le secteur des personnes âgées parce qu'on avait la mise en place de toutes les mesures qui avaient été décidées en 2022 avec des effets de glissement : les revalorisations salariales pour le Ségur, pour les services d'aide à domicile, la crise financière de très nombreux Ehpad confrontés par exemple à la hausse du coût de l'énergie. Nous avons apporté des subventions exceptionnelles à un niveau qu'on n'avait jamais fait l'année dernière, mais nous sommes dans l'incapacité de le reproduire cette année. 

Quel a été le facteur déterminant ?

C'est la décision de supprimer la taxe d'habitation. On ne la percevait pas, l'État aurait dû gérer cette suppression en discutant directement avec les communes pour les compenser. Or, on nous a mis dans la boucle. On a donné notre foncier bâti aux communes. Et nous on nous a donné de la TVA à la place. Quand il y a eu de l'inflation, la TVA a progressé, mais dès que l'inflation diminue, elle diminue aussi. Il n’y a pas de pouvoir de taux, à la différence du foncier bâti. Au sujet des droits de mutation, on a alerté en 2022, car même si ces droits se portaient bien, ce modèle est fragile. Malheureusement, j'aurais préféré avoir tort, mais en 2023 on a observé la poursuite vraiment très fort de cette chute : déjà 17 million d'euros au 31 mai. Dit autrement, ce sont 120 000 euros de perte par jour.

Comment se projeter sur l'année qui vient dans ces conditions ?

Le département adopte un plan d'économie de 8 millions d’euros. Nous n'avons pas le choix. Nous ne pouvons pas nous nous dire qu'à la fin de l'année s'il y a des besoins, on fera des emprunts pour financer des dépenses, des salaires, des dotations, des subventions, des prestations individuelles. Chaque mois, il y a 55 000 personnes en Ille-et-Vilaine qui bénéficient d'une aide directe du conseil départemental au titre de l’APA ou du RSA, d'une mesure de protection de l'enfance. Nous sommes dans un contexte extrêmement contraint avec un certain nombre de dépenses obligatoires qui continuent d'augmenter et qu'on devra honorer et qui nous oblige à réduire sur tous les secteurs ou les dépenses qui n'ont pas ce caractère juridiquement obligatoire.
Nous sommes convaincus que le sport, la culture, l'éducation populaire, l'éducation à l'environnement, la vie associative, sont des enjeux très forts. Mais nous n'avons pas le choix. Je sais que c'est difficile à entendre mais si on ne fait rien, nous pourrions nous trouver dans une situation de cessation de paiement à la fin de l'année, ce qui n'est pas une hypothèse tenable.


L'interlocuteur privilégié, c'est l'État. Dans le contexte politique actuel, quel type de dialogue est possible avec l'État ?

Déjà, je trouve précipité et irresponsable de dissoudre l’Assemblée nationale et d'organiser un débat en quatre semaines. On ne peut pas gérer un débat démocratique dans ces conditions. Cela crée un sentiment d’anxiété, une perte totale de visibilité, une perte d'interlocuteurs aujourd'hui : les ministres, les députés, ont la tête complètement ailleurs. Certains ne sont pas reconduits, d'autres sont candidats, mais ne seront pas élus. Quelle sera la configuration politique qui va ressortir de cette forme d'aventure ? Ce coup politique peut avoir des conséquences totalement imprévisibles. Fondamentalement, nous avons besoin de lisibilité et d'un engagement fort pour dire qu’il faut apporter un soutien aux collectivités locales et leur donner les moyens d'exercer les compétences qu'on leur donne. On nous a donné beaucoup de responsabilités et de compétences mais nous n'avons plus les moyens et aucune autonomie pour prendre des décisions de financement

Comment avez-vous accueilli la proposition de Gabriel Attal d'exonérer les primo-accédants des droits de mutation ?

Je l'ai entendu lors d'une émission de télévision. Moi je suis stupéfait que l’on puisse faire ce genre d'annonce alors qu'il y a une crise majeure. Il n'y a aucune réponse d'apportées à la situation d'aujourd'hui. Je rappelle que, l'année dernière, les pertes pour l'ensemble des départements de France ont dépassé 4 milliards d'euros. Le plan de soutien de l'État, ça a été 106 million d'euros, c'est à dire qu'il a permis de couvrir 4 % des pertes. Et là aujourd'hui annoncer cela sans dire ce qui sera mis à la place. Que que l'on va exonérer assez massivement des pans entiers d'acquéreurs. Moi qui ai une crise de l'immobilier, ça appelle certainement des réponses mais pas de cette façon totalement improvisée et sur le dos des Départements. D'un côté, on fait des allégements fiscaux, et on ne les compense nulle part. Les déficits publics vont encore s'aggraver est la situation des collectivités va encore s'aggraver.

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