Jean-Marc Sauvé, ancien vice-président du Conseil d’Etat, est le président de la Commission indépendante d’enquête sur les abus sexuels dans l’Eglise. Une commission mise en place l’an dernier par les évêques de France pour faire la lumière sur les abus sexuels au sein de l’institution religieuse, et qui vient de lancer un vaste appel à témoins.
"Les personnes qui sont appelées à témoigner, ce sont l’ensemble des victimes d’abus sexuels depuis le début des années 50. À la fois les mineurs au moment des faits, et les personnes vulnérables, qui sont à la fois les majeurs protégés par une décision de justice, mais aussi les personnes qui dans une relation d’autorité, de hiérarchie, d’accompagnement spirituel ou d’emprise, ont été engagées dans une relation à caractère sexuel qui n’a pas été librement consentie" explique-t-il notamment.
Tous les témoignages qu’espère la commission indépendante seront recueillis par France Victimes, le partenaire de la commission dans cet appel à témoins. "Il s’agit d’une plateforme téléphonique expérimentée, puisque depuis 20 ans, France Victimes exploite le numéro national d’aides aux victimes. Ce sont des gens qui sont en France, et qui ont une formation psychologique, juridique et de travail social" explique le président de la Ciase.
"Il est important de s’arrêter un temps pour écouter, reconnaître la souffrance des victimes, ce qu’elles ont subi, et qui doit être exprimé en priorité. C’est cela la base du travail de la commission. Les abus ont été souvent recouverts par le silence. Ce silence, au lieu de résoudre les difficultés, a entretenu la souffrance. Il faut briser le silence pour que cessent les abus. Ceci vaut pour l’Eglise catholique comme les autres milieux de socialisation. C’est une vague de fond qui ne s’arrêtera pas" précise Jean-Marc Sauvé, au sujet de l’utilité de sa commission, et de l’appel à témoins.
Certaines voix estiment aujourd’hui que seule l’Eglise prend le chemin du repentir, et de la transparence. "J’espère que notre travail va pouvoir inspirer d’autres acteurs dans la société française. Les abus sexuels n’ont pas été commis uniquement dans l’Eglise" explique à ce sujet Jean-Marc Sauvé, qui ajoute que "le recueil des témoignages est la première étape d’une très vaste enquête sociale".
"Il va falloir quantifier dans la mesure du possible. Il faut faire le nécessaire pour aller le plus loin possible dans la quantification. Il faut également comprendre ce qui s’est passé, analyser les raisons pour lesquelles les abus se sont produits dans certaines communautés, les raisons pour lesquelles le silence s’est installé, et les raisons pour lesquelles on se retrouve quelques dizaines d’années après avec des personnes toujours meurtries" lance le président de la Ciase.
Cela dit, Jean-Marc Sauvé est catégorique. "Nous ne menons pas d’enquête judiciaire. Nous ne voulons pas établir de responsabilités individuelles. Cette tache serait surhumaine et nous n’en avons pas les moyens. Ce qui nous intéresse, c’est d’évaluer le phénomène, mais pas de dire que telle liste de personnes sont victimes, et telle liste de personnes sont des prédateurs. En revanche, le Code pénal étant ce qu’il est, nous devrons dans un certain nombre de cas, faire des signalements au parquet" précise-t-il.
Outre l’appel à témoins, la Commission indépendante a demandé un libre accès aux archives des diocèses et des congrégations religieuses. Une demande qui exige une véritable transparence de la part de l’institution religieuse. "J’ai été nommé par le président de la CEF et la présidente de la CORREF. J’ai obtenu une lettre de mission, et sans aucune difficulté, j’ai obtenu l’assurance que cette commission serait indépendante. Je l’ai composée seule, sans aucune ingérence. La commission a élaboré son propre programme de travail. Il n’y a eu absolument aucune interférence de la part des évêques" assure-t-il.
"On a pu remarquer que je suis catholique pratiquant. Je ne pense pas que j’ai été nommé pour cette raison. A tort ou à raison, j’inspire confiance. Nous avons été mandaté par l’Eglise, mais ce qui nous réunit tous dans la commission, c’est la conscience du caractère d’intérêt général de la tache qui nous a été assignée. Nous remplissons une magnifique mission d’intérêt général" conclut Jean-Marc Sauvé.
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