"C’est un rendez-vous formel et prestigieux. Un des risques du genre mondain, est de rester dans l’ordre de la représentation, et de passer à côté de ce qu’est l’Église de France. Elle ne se résume pas à ses évêques, à ses instances de représentation. Elle ne se résume pas à l’image qu’elle veut donner d’elle-même, elle est d’abord celle des croyants, des gens qui chaque jour prient dans le secret de leur cœur" explique Jean-Marie Guénois, rédacteur en chef au Figaro, en charge des questions religieuses.
Pour le journaliste, "l’Église vaut mieux que de la com", et la rencontre de lundi soir entre les évêques et le président de la République serait un échec, si elle ne restait que sur ce plan-là. "Regardons notre histoire et l’Église est une vieille dame qui a l’âge de la France. L’Église accompagne cette France, elle est constitutive de la France. Le risque, c’est par ce genre de manifestations, qu’on l’enferme dans le rang des religions, où elle serait une religion comme une autre. Si l’Église commet l’erreur de s’enfermer dans cette espèce de communautarisme qui ne dit pas son nom, où chaque religion a sa petite case, cela n’ira pas du tout".
Concernant l’état d’esprit des évêques, Jean-Marie Guénois ne prend pas de pincettes. "Je crois que les évêques sont un peu paumés. Je ne parle pas des grandes villes comme Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux ou Lille. Les évêques de France sont dans des situations dramatiques, dans le sens où ils ont un clergé âgé, peu de vocations, des laïcs qui se démènent, des jeunes qui se démènent mais qui ne suffisent pas. L’institution Église va mal, mais il y a une sorte de réveil spirituel. Malheureusement les attentats ont provoqué une prise de conscience. Les gens se demandent qui ils sont. Voila ce qui se passe aujourd’hui, l’Église institutionnelle est malade au sens technique, et en même temps un questionnement profond sur le christianisme. Ajoutons à cela le pape François, qui provoque à l’extérieur de l’Église" précise le journaliste.
Ce dernier explique que l’Eglise de France a un vrai complexe avec la politique. Il ajoute par ailleurs qu’il y a un vrai problème de leadership au sein de la Conférence des Evêques de France. "Je ne voudrais pas manquer de charité, je ne suis qu’un journaliste, mais objectivement, il y a un vrai problème. Le cardinal Lustiger n’a pas été remplacé. L’Abbé Pierre n’a pas été remplacé. Sœur Emmanuelle n’a pas été remplacée. Il y a une sorte de vide et de platitude médiatique depuis plusieurs années. On n’a plus de champions. Or le système médiatique fonctionne avec des champions. D’un autre côté, il y a énormément de jeunes et d’initiatives donc il ne faut pas désespérer. Mais sur un strict plan de communication médiatique, l’Eglise de France est en encéphalogramme plat" lance-t-il.
En ce qui concerne Emmanuel Macron, Jean-Marie Guénois estime qu’il ne se rend pas à ce rendez-vous pour manipuler l’Eglise. "Il est très au fait des sujets qui seront abordés. Il est en train de changer la laïcité en France. Il a eu une expérience de conversion à l’âge de douze ans, il a demandé le baptême. Il a perdu la foi ensuite, mais il a appris à l’école du philosophe Paul Ricoeur que le croyant est aussi un citoyen, et qu’un citoyen peut être croyant. Enfin, un président de la République qui a compris que le croyant a le droit de cité dans une République laïque" explique le journaliste.
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