En cette période pascale, centrale pour les chrétiens qui se rappellent quel est le cœur de leur foi la mort et la résurrection du Christ, Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire "La Vie" est un catholique qui assume cette bonne nouvelle, un catholique libéré. Il publie un essai intitulé "Un catholique s’est échappé" aux éditions du Cerf
Malgré le titre de l'ouvrage, cela n'a rien à voir avec une fuite. Il s'agit au contraire d'un retour au cœur de la foi chrétienne. "J’ai poussé la porte de ma prison", explique Jean-Pierre Denis. Une évasion rendue possible par une double expérience. Tout d'abord une simple question posée par son père : "Quel est le chemin ?". Une question spirituelle importante à laquelle le journaliste n'a pas pu apporter de réponse.
Peut être ce silence était-il un signe des temps, le signe de catholiques qui sont empêchés, retenus, pudiques. "On croyait parfois que la laïcité nous obligeait à enfermer nos convictions spirituelles profondes dans notre for intérieur", analyse Jean-Pierre Denis.
C’est dans la conversation avec les autres que parfois se noue une conversion. Cet enseignement, l'auteur le tire de sa deuxième expérience : une conversation avec un chauffeur de taxi musulman qui l’a amené à faire une confession de foi publique en affirmant qu'il était pratiquant.
A partir de ces deux expériences, Jean-Pierre Denis a complètement réécrit son livre, qu'il voulait au départ explicatif. Il s'est aperçu que sa pensée profonde était toute autre : ce sont les autres qui nous apportent une parole, c'est dans la conversation que la foi se libère.
Il ne s'agit pas pour autant de "mettre ses convictions dans sa poche, ne pas déranger", mais de répondre à une demande de sens. Y compris pour les non-croyants. Comme l'explique Jean-Pierre Denis : "Il y a des gens qui ne sont pas croyants et qui attendent que nous croyons à leur place"
Pour l'auteur, des événements comme l'Incendie Notre-Dame, les meurtres du père Hamel et du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, ont été autant de moments durant lesquels le lien de la société française avec la religion chrétienne que l’on pensait abimé, voire évanoui, se réveillait.
Dans son ouvrage, Jean-Pierre Denis liste pluiseurs tentations qui guettent le catholicisme : un certain auto-centrement, tout d'abord, c’est le diagnostic du pape François : "Une Eglise qui est centrée sur elle-même tombe malade". Un nombrilisme dangereux, alors que le christianisme est attendu aux périphéries existentielles avec les questions de la vie et de la mort. Des questions propres à tous les êtres humains.
Jean-Pierre Denis observe aussi une tendance à apporter de mauvaises solutions à la crise traversée par l'Eglise, comme la tentation identitaire qui voudrait que la nation et le catholicisme ne fassent qu’un. Autre tentation, celle de la sécularisation que le journaliste de La Vie résume ainsi : "à quoi bon, autant se fondre dans la société". Autre risque, la tentation du déni de la situation.
"Le vocable de chrétien ou de catholiques me suffit, on a pas besoin d’y rajouter des étiquettes". C'est en refusant de se placer dans des cases politiques et idéologiques que Jean-Pierre Denis s'est tourné vers un autre terme, celui du "Catholicisme attestataire" : Il s'agit très simplement dire ce que l’on croit, et professer la foi chrétienne. Un vision du catholicisme très concrète, qui peut passer par des actes simples, comme répondre "Joyeuses Pâques", à une personne qui vous souhaite un bon week-end.
Ce positionnement serait impossible dans une société où les catholiques sont muselés ? L'essayiste réfute cette idée : "On a tendance à jouer un peu aux martyrs pour finalement rester bien chez soi dans son confort" par peur de se faire tomber dessus. Il ajoute que "la laïcité ne nous empêche pas de nous exprimer". Même s’il y a des contextes dans lesquels c’est plus difficile, dans le monde de l’entreprise ou de l’hôpital public par exemple.
Dans la lignée d'un précédent essai intitulé "Pourquoi le christianisme fait scandale, éloge d’une contre culture", Jean-Pierre Denis plaide pour un christianisme "contre culturel dans sa culture". Il ne s'agit pas ici de s'opposer à la culture, mais de faire un pas de côté pour imaginer l’utopie, l’espérance, en s'inspirant des "communautés gauchistes" des années 60 et 70.
L’institution est aujourd'hui très affaiblie et si l'on comptait autrefois sur elle pour répondre aux questions, aujourd’hui nous sommes revenu à la question des disciples aux premiers temps du christianisme : "Chaque chrétien est personnellement responsable du devenir de la foi chrétienne".
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