Jimmy Carter, 39ème président des États-Unis est décédé ce dimanche 29 décembre 2024 à son domicile à l’âge de 100 ans. Il y recevait des soins palliatifs depuis le samedi 18 février 2023. Retour sur sa vie et son travail.
Jimmy Carter, James Earl Carter, Jr. de son nom complet, est né le 1er octobre 1924 à Plains dans l’État de Géorgie. Son père, James Sr. tient une ferme de cacahuètes dans laquelle il passera ses premières années. Ils possèdent aussi un entrepôt et un magasin. Sa mère, Bessie Lillian Gordy, est infirmière. Elle dépasse les clivages raciaux pour conseiller les femmes noires sur les questions de santé.
Lorsque Carter a 4 ans, la famille déménage à Archery, une ville située à environ trois kilomètres de Plains. C'est une ville peu peuplée et profondément rurale, où les chariots tirés par des mules restent le mode de transport dominant, et où l'électricité et la plomberie intérieure sont encore rares. À l’âge de 10 ans, le futur président commence à travailler dans le magasin de son père.
Alors que la Grande Dépression frappe durement la plupart des régions rurales du Sud, les Carter parviennent à prospérer pendant ces années, et à la fin des années 1930, son père emploie plus de 200 ouvriers dans ses fermes. En 1941, Carter devient la première personne du côté paternel de la famille à obtenir un diplôme d'études secondaires.
Carter étudie l'ingénierie au Georgia Southwestern Junior College avant de rejoindre le programme ROTC de la marine pour poursuivre ses études d'ingénieur au Georgia Institute of Technology. Il postule ensuite à la très compétitive Académie navale d'Annapolis, dans le Maryland, qui l'accepte pour commencer ses études durant l'été 1943. Il obtient son diplôme parmi les meilleurs de sa classe en 1946.
Pendant ses congés d'été, Carter a renoué avec Rosalynn Smith qu'il connaissait depuis son enfance. Ils se sont mariés en 1946. Ils le sont d’ailleurs toujours presque 77 ans plus tard.
Après des études à l'Académie navale d'Annapolis, Jimmy Carter sert comme officier de marine sur des sous-marins nucléaires. Au cours des premières années de leur mariage, les Carter - comme beaucoup de familles de militaires - ont déménagé fréquemment. Après un programme de formation à Norfolk, en Virginie, ils ont déménagé à Pearl Harbor, à Hawaï, où Carter était officier d'électronique sur l'USS Pomfret. Au fil du temps, il grimpe les échelons et devient lieutenant.
Pendant ces années, les Carter ont également trois fils : John William (1947), James Earl Carter III (1950) et Donnel Jeffrey (1952).
En juillet 1953, le père de Jimmy Carter décède d'un cancer du pancréas et la ferme et l'entreprise familiale tombent en désuétude. Il décide donc de démissionner de la Marine et revient en Géorgie avec sa famille. Il ressuscite alors la ferme familiale et commence son engagement dans la politique communautaire. Son premier poste est un siège au conseil d'éducation du comté de Sumter en 1955, il en deviendra finalement son président.
À l’époque, la ségrégation est encore la norme dans le sud des États-Unis. Carter est le seul homme blanc de Plains à refuser d'adhérer à un groupe ségrégationniste appelé le Conseil des citoyens blancs. Ce n'est qu'après l'arrêt de la Cour suprême de 1962 dans l'affaire Baker contre Carr, qui exigeait que les circonscriptions électorales soient redessinées de manière à cesser de privilégier les électeurs blancs des zones rurales, que Carter a vu une opportunité pour un "nouveau Sudiste", tel qu'il se considérait lui-même, de gagner un poste politique.
C’est donc en 1962, qu’il est élu au sénat de l’État de Géorgie. Il devient le 76ème gouverneur de l’État en 1971 après une première tentative en 1966. Entre-temps, les Carter ont accueilli leur quatrième enfant, une fille, Amy, née en 1967.
Carter était l'un des dix candidats à l'investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 1976 et probablement le moins connu. À une époque de profonde frustration à l'égard des politiciens du pouvoir en place, cet anonymat s'est avéré un avantage.
Il fait campagne sur des thèmes centristes tels que la réduction du gaspillage gouvernemental, l'équilibre budgétaire et l'augmentation de l'aide publique aux pauvres. Cependant, les pièces maîtresses de l'attrait de Carter sont son statut d'outsider et son intégrité. "Je ne mentirai jamais" reste une phrase clé de sa campagne, tout comme "Je n'éviterai jamais une question controversée".
Un autre de ses slogans de campagne lapidaires était "Un leader, pour un changement". Ces thèmes font mouche auprès d'un électorat qui se sent trahi par son propre gouvernement pendant le scandale du Watergate.
Face au démocrate, le président républicain sortant Gerald Ford. Ford est l’ancien vice-président Nixon et a pris la présidence lorsque ce dernier a démissionné à la suite du Watergate. Même si Carter entre dans la course avec une belle avance sur Ford, il a commis plusieurs erreurs qui ont fait baisser les sondages. L'élection se révèle beaucoup plus serrée que prévu, mais Carter l'emporte et devient le 39e président des États-Unis d'Amérique.
Carter accède donc à la présidence en 1977, à une époque de grand optimisme et bénéficie alors d'une cote de popularité très élevée. Symbolisant son engagement en faveur d'un nouveau type de leadership, après son discours inaugural, Carter sort de sa limousine pour se rendre à pied à la Maison-Blanche parmi ses partisans.
Concernant sa politique intérieure, la priorité est l’énergie. Avec la hausse des prix du pétrole, et à la suite de l'embargo pétrolier de 1973, Carter estime qu'il est impératif de guérir les États-Unis de leur dépendance au pétrole étranger. Il parvient à réduire la consommation de pétrole étranger de 8 % et à développer d'énormes réserves d'urgence de pétrole et de gaz naturel. C’était sans compter sur la révolution iranienne de 1979 qui fait de nouveau grimper les prix du pétrole et entraîne de longues files d'attente dans les stations-service, éclipsant ses réalisations. Il fera de manière générale la promotion des énergies renouvelables, notamment en installant des panneaux solaires à la Maison Blanche en 1979.
La politique étrangère de Carter s'articule autour de la promesse de faire des droits de l'homme une préoccupation centrale dans les relations des États-Unis avec les autres pays. Il l’applique notamment en suspendant l'aide économique et militaire au Chili, au Salvador et au Nicaragua pour protester contre les violations des droits de l'homme commises par ces régimes.
La réalisation la plus remarquable de Carter en matière de politique étrangère est sa médiation réussie des accords de Camp David entre Israël et l'Égypte. Celles-ci ont abouti à un traité de paix historique dans lequel Israël s'est retiré de la péninsule du Sinaï et les deux parties ont officiellement reconnu leurs gouvernements respectifs.
Malgré ces réalisations notables, la présidence de Carter a été largement considérée comme un échec. Il entretient de très mauvaises relations avec le Congrès et les médias, ce qui l’empêche de faire adopter des lois ou à communiquer efficacement ses politiques. En 1979, Carter prononce un discours désastreux, appelé le discours de la "crise de confiance". Il y semble imputer les problèmes de l'Amérique au mauvais esprit de son peuple.
Plusieurs bévues de politique étrangère ont également contribué au relâchement de l'emprise de Carter sur la présidence. Ses négociations secrètes pour rendre le canal de Panama au Panama ont conduit de nombreuses personnes à penser qu'il était un dirigeant faible qui avait "donné" le canal sans prendre les dispositions nécessaires pour défendre les intérêts américains.
La crise des otages iraniens est probablement le facteur le plus important dans le déclin de la carrière politique de Carter. En novembre 1979, des étudiants radicaux iraniens s'emparent de l'ambassade des États-Unis à Téhéran et prennent 66 Américains en otage. L'échec de Carter à négocier leur libération, suivi d'une mission de sauvetage bâclée, le font passer pour un dirigeant impuissant qui a été dépassé par un groupe d'étudiants radicaux. Les otages ont été détenus pendant 444 jours avant d'être finalement libérés le jour où Carter a quitté ses fonctions en 1981.
Carter perd la place de candidat démocrate de 1980 face à Ronald Reagan. Malgré une présidence d'un seul mandat largement raté, Carter a par la suite réhabilité sa réputation grâce à ses efforts humanitaires après avoir quitté la Maison Blanche.
Le 12 août 2015, Carter subit une intervention chirurgicale pour retirer une masse de son foie et découvre qu'il a un cancer. Il annonce alors qu’ "une récente opération du foie a révélé que j'ai un cancer qui se trouve maintenant dans d'autres parties de mon corps. Je vais réorganiser mon emploi du temps si nécessaire afin de pouvoir être traité par les médecins de l'Emory Healthcare."
Une semaine plus tard, il tient une conférence de presse au cours de laquelle il annonce que les médecins ont trouvé un mélanome sur son cerveau. Il explique qu'il commencerait la radiothérapie le jour même et qu'il devrait modifier son emploi du temps chargé "de façon assez spectaculaire."
"Je suis parfaitement à l'aise avec ce qui va arriver", a déclaré l'ancien président, ajoutant qu'il avait mené "une vie merveilleuse". "Maintenant, je sens que tout est entre les mains de Dieu", a-t-il ajouté.
Début décembre, Carter annonce officiellement qu'un examen n'a révélé aucune trace de mélanome sur son cerveau.
Les deux parents de Carter sont profondément religieux. Ils appartenaient à l'église baptiste de Plains et insistaient pour que Carter aille à l'école du dimanche, que son père enseignait occasionnellement. À l’époque, la religion tient une place extrêmement importante dans la vie quotidienne, loin de se limiter à la messe du dimanche.
La place de la foi dans la vie de Carter est encore et toujours visible dans son travail. C’est aussi le sujet de son livre “Faith” (Foi, ndlr) dans lequel il réfléchit à comment la foi l'a soutenu dans le bonheur et la déception. Il examine comment nous pouvons la trouver dans nos propres vies. Dans cette interview sur la chaîne CBS pour la sortie du livre, il divulgue même les prières qu’il fait pour Donald Trump à l’époque du premier mandant à la présidence de ce dernier.
En ce qui concerne son apport humanitaire, il se démarque via la Fondation Carter et Habitat for Humanity avec laquelle il a beaucoup travaillé, participant lui-même à la construction de maisons. Il a oeuvré en particulier pour développer des systèmes de soins de santé communautaires en Afrique et en Amérique latine, pour superviser les élections dans les démocraties naissantes et pour promouvoir la paix au Moyen-Orient.
En 2002, Carter a reçu le prix Nobel de la paix "pour ses décennies d'efforts inlassables pour trouver des solutions pacifiques aux conflits internationaux, pour faire progresser la démocratie et les droits de l'homme et pour promouvoir le développement économique et social".
Son livre “Faith” n’est pas le seul qu’il a rédigé au cours des années qui ont suivi sa présidence (c’est même le 32ème). Il a d’ailleurs rédigé plusieurs mémoires: Our Endangered Values : America's Moral Crisis (2006) et Palestine : Peace Not Apartheid (2007).
Lors de la conférence Nobel qu'il a donnée en 2002, M. Carter a conclu par des mots qui peuvent être considérés à la fois comme la mission de sa vie et comme un appel à l'action pour les générations futures.
Le lien de notre humanité commune est plus fort que le caractère diviseur de nos peurs et de nos préjugés", a-t-il déclaré. "Dieu nous donne la capacité de choisir. Nous pouvons choisir d'alléger la souffrance. Nous pouvons choisir de travailler ensemble pour la paix. Nous pouvons opérer ces changements - et nous le devons.
Au début de l'année 2023, Jimmy Carter décide de se faire soigner à domicile afin de pouvoir profiter de son entourage le plus longtemps possible. C'est là qu'il est décédé ce dimanche 29 décembre 2024.
Son épouse, Rosalynn Carter, est quant à elle décédé le dimanche 19 novembre, à 96 ans, également à leur domicile de Plains, en Géorgie.
"La mesure de notre compassion réside dans notre capacité à agir efficacement pour aider les autres." Cette citation reflète la préoccupation de Carter pour les droits de l'homme et sa volonté d'aider les plus démunis.
"Il n'y a rien de mal à être un politicien professionnel, mais il y a quelque chose de mal à être un politicien corrompu." Cette citation montre l'importance que Carter attachait à l'intégrité et à l'honnêteté en politique.
"L'esprit humain ne peut pas être enfermé en prison." Cette citation a été prononcée par Carter à propos des prisonniers politiques en Union Soviétique et en Europe de l'Est, et montre son engagement en faveur des droits de l'homme.
"Le vrai test d'une société est la manière dont elle traite ses plus faibles membres." (Discours sur l'état de l'Union, 1977)
"Nous devons ajuster à nouveau les priorités de notre pays pour qu'elles correspondent à nos besoins fondamentaux, pour que notre sécurité soit protégée, pour que notre environnement soit préservé et pour que notre qualité de vie soit améliorée." (Discours sur l'état de l'Union, 1980)
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