Alors que Salah Abdeslam a été condamné hier à la « perpétuité incompressible » dans le cadre du procès pour les attentats du Bataclan, quelles paroles ont pu être échangées, quels silences auront pesé ? Comment peut-on trouver les mots pour dire l’horreur et ce qui semble justement indicible ? Pour y répondre, les Prophètes viennent à notre secours. Sylvain Gasser, religieux assomptionniste, éditeur, musicologue et auteur de Job est comme ça, lire le Livre en temps de pandémie édité aux éditions Bayard nous explique.
Que ce soit lors d’un procès ou en recherchant Dieu, l’Humanité a toujours eu besoin de parole. « On a besoin des mots pour exister, on a besoin d’une parole qui nous permets de nous relever, parce que sinon nous sommes livrés à l’interprétation du silence. » Comment savoir en effet s’il s’agit d’un silence accusateur ou libérateur ?
Mais cette parole peut se révéler mensongère. Il est alors nécessaire de faire le travail de la vérité. « Il faut savoir si ces paroles vont contribuer au bien-être et à la recherche de la vérité ou au contraire elles vont continuer d’enfoncer les victimes ». La parole n’est alors pas tant nécessaire que le dialogue, dont la première condition est le respect des deux personnes en jeu.
La parole, dans la Bible, revêt une importance capitale. C’est par la parole que Dieu crée le monde, et c’est par la parole des prophètes qu’il se révèle aux Hommes.
Pourtant, le silence est, de manière discrète, omniprésent. Lorsque Ezéchiel apprend la chute d’Israël, c’est en silence qu’il réagit à l’amoncellement de mauvaises nouvelles. Un silence de sidération face à l’indicible, partagé par la France au lendemain des attentats du 13 novembre, mais aussi un silence qui remplace des mots accusateurs envers Dieu.
Job, lui, ne tait pas ses accusations. Face au silence de Dieu, il s’exprime, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il ne s’adressait non pas au véritable Dieu mais à celui qu’il s’était fabriqué. Alors, il se tait, et Dieu reprend la parole. Le silence ici laisse la place à l’autre de s’exprimer, de se manifester.
Le prophète Elie aussi n’hésite pas à s’exprimer. Il parle fort, fait des démonstrations, mais ce n’est pas dans ces grandioses démonstrations que Dieu est présent. Dieu se révèle avec un son imperceptible, dans le silence.
Le silence et la parole peuvent jouer un rôle complémentaire. Il est dès lors important de ménager des plages de silence autour de soi, non pas pour atteindre le silence en lui-même mais afin de faire silence en nous-même, de laisser place à une qualité de silence.
Ce silence permet alors de parvenir à une parole juste et pertinente.
Je me demande si toute notre vie n’est pas l’apprentissage d’une parole juste et d’un silence fécond
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