Ancien procureur de la République durant les attentats de 2015, François Molins est revenu sur le contexte terroriste qui pèse sur la France, après l'attaque au couteau perpétrée samedi dernier à Bir-Hakeim. Fort de ses 46 années passées au service de la justice française, l'ex-magistrat examine la situation sécuritaire et judiciaire du pays. Il revient notamment sur les “défauts structurels” de la Cour de justice de la République.
Nous sommes le 3 juillet 2017, Emmanuel Macron vient d’être élu président de la République. Dans un discours au Congrès, il affirme souhaiter “supprimer la Cour de justice de la République”. Avant d’ajouter que “nos concitoyens ne comprennent plus pourquoi seuls les ministres pourraient encore disposer d’une juridiction d’exception”. Un mandat et six ans plus tard, ses propos semblent avoir quelque peu mal vieilli. L'institution judiciaire vit encore et vient de relaxer, en fin de semaine dernière, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti.
Une décision de justice que n’a pas souhaité commenter François Molins, lui qui il constate seulement que “les éléments matériels de la prise illégale d’intérêt étaient réunis”. Cependant, “faisait défaut, l’intention [défaut de l’élément intentionnel, ndlr.] de la part du ministre”, résume l’ancien magistrat.
Pourtant, selon lui, il ne faut pas s’y méprendre. “Cette décision ne change rien à une réalité qui existe depuis longtemps. Elle signe un certain nombre de défauts structurels de la Cour de justice”, avance-t-il avant de les lister : “les délais sont très longs. Ensuite, la compétence scinde les affaires. Il y a les ministres qui sont justiciables de la Cour de justice. Et les non-politiques qui sont justiciables d'autres juridictions”. La semaine dernière, le ministre du Travail Olivier Dussopt, s’est lui aussi, présenté devant la Justice pour des soupçons de favoritisme. Il comparaissait devant le tribunal correctionnel de Paris, accusé d’avoir procuré en 2009 un “avantage injustifié” dans le cadre de l’octroi d’un marché public à une société, lorsqu’il était maire d’Annonay.
“Il y a cette dérivation qui se traduit par une contrariété des décisions. Vous pouvez avoir, sur le même dossier, une décision de relaxe concernant les politiques, et une décision de condamnation des gens du volet non-ministériel. Il y a un manque de cohérence”, s’insurge François Molins.
Pas de pourvoi en cassation. La décision concernant la relaxe d’Eric Dupont-Moretti par la Cour de justice de la République est définitive. François Molins pointe là-aussi un autre défaut : “il n’y a pas de voie de recours. Il n’y a pas de double degré de juridiction”, rappelle l’ancien magistrat qui regrette qu’il “n’y ait pas de procédure d’appel”. Les autres institutions judiciaires disposent en effet de procès en appel pour contester une décision de justice.
Dernière particularité de la Cour de justice de la République : personne ne peut se constituer en tant que parties civiles. Seulement des témoins, au sens judiciaire du terme, sont entendus lors de procès devant la Cour de justice. Une autre contrariété pour François Molins. “C’est stigmatisé par certaines associations”, souligne-t-il.
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