Près d’un mois après l’annonce du lancement de la procédure de dissolution des Remparts, le décret actant officiellement la dissolution de ce groupuscule d’extrême-droite basé dans le Vieux-Lyon ne devrait plus tarder. Une bonne nouvelle pour de nombreux élus lyonnais qui souhaitent les voir disparaître, mais le spectre d’une reformation n’est pas très loin. Alors, cette nouvelle procédure peut-elle vraiment sonner la fin du groupuscule ?
Début mai, comme le veut la loi, plusieurs responsables des Remparts se sont vus notifier le lancement d’une procédure de dissolution à leur encontre. Parmi les éléments mis en avant pour enclencher la procédure, il y a d'abord la "reconstitution d’une ligue dissoute". En effet, Les Remparts sont nés sur les cendres du groupe Génération identitaire, dissout en 2021 notamment pour "provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence". Ils n’avaient même pas cherché à dissimuler leur reformation en se réinstallant dans les mêmes locaux, situés montée du Change, dans le 5e arrondissement de Lyon.
Surtout, Les Remparts sont poursuivis pour provocation à la haine ou à la violence en raison de l'origine, de la religion ou de l'orientation sexuelle. Plusieurs faits de violences survenus ces derniers mois ont d’ailleurs accéléré la procédure. Notamment l'interpellation en novembre de plusieurs membres du groupe lors d'une expédition punitive dans la Drôme après la mort du jeune Thomas.
Quelques jours plus tôt, les membres du groupuscule avaient mené une autre action violente en marge d’une conférence pro-palestinienne dans la Maison des passages, dans le quartier Saint-Georges à Lyon. "Entre 40 et 50 jeunes d'ultra droite, sont venus attaquer le local associatif parce que ces gens-là étaient considérés comme des affreux gauchistes parce qu'ils faisaient une conférence sur la question de la Palestine. Et donc cette bande organisée est venue avec matraques, battes de baseball, poings américains et d'autres objets pour attaquer ces gens qui s'étaient réunis et qui ont eu extrêmement peur", raconte Thomas Rudigoz, député de la 1ère circonscription du Rhône, qui réclament leur dissolution depuis plusieurs mois.
Mais puisque l'ancien groupuscule Génération Identitaire était parvenu à se reformer malgré sa dissolution, la question de l'intérêt de la dissolution se pose. Mohamed Chihi, l’adjoint à la sûreté, la tranquillité et la sécurité de la Ville de Lyon, a lui-même conscience qu’une reformation n’est pas impossible. "Oui, on le craint et c'est pourquoi en fait nous demandons la dévolution des biens. Il ne suffit pas de dissoudre, il faut absolument faire en sorte qu'ils ne retrouvent pas les moyens de se reconstituer ou de se réorganiser autour d'un autre projet aux accents similaires. Or, pour cela, ils ont besoin de moyens, de lieux, notamment pour pouvoir le faire ; donc la fermeture des locaux est absolument nécessaire pour faire disparaître cette organisation", affirme-t-il.
Il ne suffit pas de les dissoudre, il faut absolument faire en sorte qu’ils ne retrouvent pas les moyens de se reconstituer
L'adjoint à la Sécurité espère que la procédure pourra aller plus loin qu'en 2021. La fermeture des locaux n'avait alors pas été décrétée par le ministère de l'Intérieur, sûrement en raison de difficultés de procédure. "Il faut savoir que ces locaux appartiennent à des propriétaires privés et qu’ils sont loués aux associations qui sont celles qui hébergent les Remparts. Et donc par conséquent, il y a toute une procédure à mener pour réussir à fermer ces locaux en même temps que nous dissoudons ces groupes-là", explique Mohamed Chihi. Et cette fois, la fermeture du bar La Traboule et de la salle de boxe l’Agogée semble envisageable car les deux associations qui les détiennent, sont aussi sous le coup de cette procédure de dissolution. Il s'agit respectivement de la Traboule et de Top Sport Run.
La reformation est d’autant plus probable que les groupuscules d’extrême-droite bénéficient d’un vivier de militants important à Lyon. C’est d’ailleurs ce qui en fait l’une des "particularités" de la ville, selon Alain Chevarin, auteur de Lyon et ses extrêmes droites, paru en septembre 2020 aux éditions de La Lanterne. "Il y a à peu près tout le panorama des extrêmes-droites qui est représenté à Lyon [des royalistes jusqu’aux groupes moins structurés de supporters]. Ils sont aussi relativement nombreux. Proportionnellement, ils sont beaucoup plus nombreux qu'à Paris, par exemple, puisqu'il y a plusieurs centaines de militants d'extrême-droite", présente-t-il.
Mais même si la reformation des Remparts n’est pas à exclure, la dissolution est " nécessaire", selon l’enseignant retraité. D’abord "symboliquement, parce que c’est important que le gouvernement prenne en charge la dissolution du groupe qui prône la haine et le racisme", mais aussi parce que cela va "les gêner dans un premier temps, dans la mesure où ils ne pourront plus s’appeler Les Remparts, ça suppose changer de noms, d’identifiants, changer leurs affiches, ça constitue une gêne immédiate".
Évidemment qu'ils vont essayer de se reconstituer. Mais il ne faut pas qu'on les lâche pour qu'ils comprennent qu'ils ne peuvent pas agir impunément
Bien que nécessaire, cette dissolution ne sera pas pour autant "suffisante" aux yeux du spécialiste des groupuscules d’extrême-droite. Il faut, dit-il, "une volonté politique de les combattre au jour le jour, culturellement, idéologiquement". Thomas Rudigoz partage lui-aussi cet avis : "c'est un combat de fourmis. Il faut lutter pied à pied face à ces gens-là. Evidemment qu'ils vont essayer de se reconstituer. Mais il ne faut pas qu'on les lâche et qu'ils comprennent qu'ils ne peuvent pas agir impunément". Le député Renaissance appelle d’ailleurs à poursuivre les interpellations des activistes d’ultra droite, afin que leurs condamnations servent d’exemple pour les militants qui ignoreraient les peines encourues.
Contactés les représentants des Remparts n’ont pas répondu à nos sollicitations. Mais sur leurs réseaux sociaux, ils mènent une véritable campagne de communication sur leurs réseaux sociaux afin de dénoncer ce projet de dissolution et de faire valoir leurs actions : "la persécution des patriotes et des identitaires sévit plus que jamais, dans un pays pourtant à l’agonie. Faire vivre ses traditions et vouloir les préserver n’est pas un délit, se dresser contre l’invasion migratoire ou l’insécurité n’est pas un crime !", écrivent-ils, tout en assurant que "les Remparts n’aient jamais été reconnus coupables ni même poursuivis pour des actes [de haine]".
Ils bénéficiaient de dix jours à compter de la notification d’ouverture de procédure pour le contradictoire. Toujours sur leurs réseaux sociaux, les Remparts ont indiqué travailler avec l’ASLA, "pour étudier les possibilités de contester cette décision arbitraire qui viole les libertés fondamentales". Précisons que l’ASLA, pour "association de soutien aux lanceurs d’alerte", est issue de la même mouvance identitaire puisqu’elle a été créée par des anciens de Génération Identitaire, après la dissolution du mouvement en 2021. Une pétition en ligne a d’ailleurs été lancée sur le site de cette association, 4260 signatures ont été enregistrées un peu moins d’un mois.
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