26 œuvres sont exposées au musée du quai Branly à Paris. Elles seront restituées le 9 novembre au Bénin après avoir été pillées en 1892 par les troupes françaises, dans le palais d’Abomey. Une restitution synonyme d’aboutissement après un rapport et une loi. Emmanuel Macron a prononcé un discours pour acter ce moment qualifié d'historique pour beaucoup.
Cela faisait parfois plus de 60 ans et leur indépendance que des pays demandaient la restitution de certaines œuvres. En 2016 encore, le Bénin avait essuyé un échec après en avoir fait la demande au ministre des affaires étrangères de l’époque, Jean-Yves le Drian. Mais quelques mois plus tard, les choses changent avec le discours d’Emmanuel Macron à l'université de Ouagadougou au Burkina Faso, et la promesse de rendre les œuvres volées aux pays concernés.
La première restitution est donc actée. 26 œuvres pillées dans le royaume d’Abomey, devenu le Bénin, durant la guerre en 1892. Date à laquelle les troupes françaises prennent le palais du roi et donc ses œuvres : des statues, son trône en bois, les portes du palais... Elles ont été aussitôt exposées au musée d’Ethnographie du Trocadéro à Paris puis à celui du quai Branly en 2003.
"C’est un moment réellement historique parce qu'il ne concerne pas seulement la France et le Bénin. C’est évidemment symboliquement extrêmement important pour le rapport entre l’ancienne puissance coloniale et l’ancienne puissance colonisée qui récupère son passé spolié. [...] Ça a un impact considérable sur les sociétés, les pays du continent africain qui comprennent après soixante ans de déni, de blabla, que c’est réellement possible", affirme l’historienne de l’art Bénédicte Savoy, qui a co-écrit avec l’écrivain sénégalais Felwine Sarr un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain, publié en 2018.
"Il s’agit d’un aboutissement d’une procédure qui a pu paraître assez longue au regard de la démarche législative qu’il a fallu initier, renchérit Yannick Kerlogot. On est dans une démarche responsable qui consiste à dire 'Il est temps de restituer, il est temps de rendre'. On est dans un acte de reconnaissance de l’autre", estime le député La République en marche des Côtes-d’Armor, également rapporteur du texte de loi qui encadre la restitution. Elle permet de déroger au fait que les œuvres des collections publiques sont inaliénables. Désormais, lorsqu’un pillage est caractérisé, une restitution peut être envisagée.
Dans son discours au musée du quai Branly mercredi, Emmanuel Macron a vanté "un programme de coopération qui doit permettre de renforcer nos liens". L’enjeu est donc bien diplomatique et le message a bien été reçu par le ministre des affaires étrangères béninois Aurélien Agbénonci, présent également, qui s’est dit "heureux de marquer l’histoire aux côtés de la France". Il estime avoir vu la donne changer sur la question des restitutions depuis l’élection de l’actuel président français. Avec cette restitution, le Bénin espère devenir un pays touristique, riche de culture. Des musées sont en construction dans le pays pour accueillir les œuvres, avec l’aide notamment de l’agence française de développement.
Certains émettent des réticences à voir partir ces objets d'art. Emmanuel Macron, lui, a vanté la force de l’universalisme. Selon le président, il ne s’agit "non pas [d’]une renationalisation de nos patrimoines ainsi rétrécis à nouveau mais [de] la possibilité par les restitutions, la circulation des œuvres, que demain des jeunes béninois puissent avoir accès à une part de leur art par des expositions qui seront ainsi produites".
D’autres craintes concernent la capacité d’un pays comme le Bénin à accueillir toutes ces œuvres. Elles ont vocation à rejoindre un musée à Abomey, qui est toujours en construction. En attendant, elles iront d’abord dans un lieu de stockage. Le Bénin assure avoir tout mis en œuvre pour réunir les conditions d’accueil de telles œuvres, qui nécessitent parfois un éclairage ou une température précise. Et l’argument selon lequel les pays africains ne savent pas le faire ne tient pas debout selon Felwine Sarr. "Ils sont totalement périmés ces arguments-là. Les Africains ont des compétences, sont attachés à leur patrimoine, ont su le conserver pendant des siècles avant qu’on ne leur prenne. La question elle relève d’une sorte de condescendance culturelle", affirme l’écrivain sénégalais et co-auteur du rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain.
Par ailleurs, certains collectionneurs n’oseraient plus prêter leur collections privées à des musées de peur qu’elles fassent l’objet de demandes de restitution, même si cela ne concerne que des établissements publics. "C’est l’un des réflexes pour empêcher de parler des restitutions. Cette chose qui fait peur, ‘On va vider les musées’, elle a été servie pendant une cinquantaine d’années par tous ceux qui voulaient empêcher qu’on se souvienne que ces collections dans nos musées européens sont venues dans des conditions asymétriques et de grande violence. Un musée ce n’est jamais vide. On n’a pas d’inquiétude à avoir", assure Bénédicte Savoy.
Ces 26 trésors royaux d’Abomey sont visibles jusqu’à dimanche 31 octobre au musée du quai Branly à Paris. Elles repartiront ensuite "au bercail", comme l’a dit le ministre des affaires étrangères du Bénin. Pour acter la restitution, Emmanuel Macron rencontrera son homologue Patrice Talon dans deux semaines à l’Elysée.
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