Alors Père Matthieu il parait que vous voulez nous parler de liberté ? Est-ce qu’il y aurait une contrainte injuste contre laquelle vous voulez protester ?
Eh bien oui je voudrais protester contre cette vision de la liberté qui est d’abord l’indépendance à l’égard des autres. Car penser la liberté uniquement comme une autonomie c’est une vision étriquée et qui a des conséquences graves. Pour pousser le paradoxe David, je pense que nous devrions nous libérer de cette vision pseudo libérante de la liberté qui finalement nous oppose les uns aux autres.
Ouh là… ça démarre très fort aujourd’hui… mais j’ai peur que vous ne perdiez nos auditeurs…et moi avec ! donc si je comprends bien, vous êtes en train de nous dire que la liberté ce n’est pas seulement une capacité d’agir sans contrainte extérieure ? mais pourtant la liberté, c’est un peu ça quand même …non ?
Eh bien oui et non. D’un point de vue juridique oui : la liberté c’est pouvoir faire ce que l’on veut dans les limites de ce qui est autorisé… mais d’un point de vue spirituel, la liberté c’est plutôt agir de manière réfléchie, en fidélité à qui je suis, à ce que je désire profondément, et pas seulement selon l’envie du moment. Bref la liberté, c’est pas seulement la liberté des adolescents qui disent à leurs parents « je fais ce que je veux d’abord »… car l’étape des ados rebelles doit être dépassée pour que nous devenions des adultes réfléchis, comme ceux et celles qui décident de changer d’habitude pour rompre avec une addiction et devenir vraiment libres, ou encore comme ceux et celles qui décident de se marier et de s’engager dans la fidélité et dans la durée… vous voyez pour eux la liberté n’est pas une revendication mais un choix mûri qui assume les renoncements et les limites. Pour utiliser une image, être libre ce n’est pas être sur un rond-point en criant « je peux prendre la route que je veux » et finalement continuer à tourner en rond… non être libre c’est de choisir une route en renonçant aux autres routes possibles, pour avancer.
Ok donc une liberté mature qui assume les renoncements et les limites…mais quelle sont les conséquences de cette manière d’envisager la liberté ?
C’est capital pour le rapport aux autres. Vous voyez, si la liberté c’est mon autonomie, ma capacité de faire ou de dire ce que je veux jusqu’à caricaturer les autres… alors la liberté finira toujours par être source de violence. Mais si je cultive une liberté plus profonde, une liberté qui met en jeu ma conscience et mes aspirations à être plus vivant et joyeux, à ce moment-là les autres ne seront plus seulement des concurrents qui menacent mon autonomie, les autres seront aussi des frères. Et je serai même capable de vouloir qu’eux aussi, comme moi, grandissent en liberté, en étant plus fidèles à eux-mêmes et à leur désir profond.
Vous connaissez sans doute ce bon mot du pasteur Martin Luther King qui disait « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots ». C’est une invitation sage qui suppose que nous sortions de l’adolescence de la philosophie des lumières pour entrer dans une compréhension et une pratique plus adulte de la liberté… qui rime avec fraternité !
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