Alors, âmes sensibles s’abstenir : il s’agit d’une épidémie, donc toute ressemblance avec des évènements actuels pourraient inquiéter les lecteurs. Mais recourir au roman, à la fiction, peut être aussi une occasion de jeter un regard un peu distancé sur ce qui nous arrive. Après tout, l’histoire humaine se répète, même si nous avons l’impression évidente de vivre des semaines particulières, inédites, sauf peut–être, dans les livres…
Publié en 1947, La Peste va connaître un immense succès. Camus - dont on commémore cette année le soixantième anniversaire de sa mort accidentelle -, Camus donc, raconte
une épidémie de peste touchant la ville d’Oran en Algérie, dans les années 1940. Ce sont d’abord les rats qui meurent par dizaines dans les rues de la ville, et puis les hommes qui
sont touchés. On voit bien que la menace existe, mais personne ne veut pas y croire, on résiste à l’idée vertigineuse d’une menace générale : « On se dit que le fléau est irréel,
c’est un mauvais rêve qui va passer. Mais il ne passe pas toujours et, de mauvais rêve en mauvais rêve, ce sont les hommes qui passent, écrit Camus. Ils se croyaient libres et personne ne sera jamais libre tant qu’il y aura des fléaux. » Ce que nous vivons est écrit noir sur blanc…
Malheureusement, il n’y a pas de recette miracle. Ce sont les mêmes réponses qu’il faut tenir : le confinement, l’isolement des malades, et la patience face à la pandémie. S’il faut
relire La Peste, ce n’est pas pour nous renvoyer aux angoisses d’aujourd’hui, mais pour bien comprendre nos réactions : la peur, le déni, le mal, l’égoïsme et la fuite, l’inconscience, mais aussi la solidarité, la prudence, l’abnégation et le dévouement incarnés notamment par le docteur Rieux, qui côtoie aussi d’autres personnages dont les
réactions nous éclairent sur nos propres réactions aujourd’hui.
Lire ce roman, c’est mesurer nos fragilités et reconnaître que nous ne sommes pas étrangers à ce qui arrive qui nécessite la mobilisation de tous : « cette cochonnerie de maladie ! Même ceux qui ne l’ont pas la portent dans leur cœur », écrit Camus, qui nous rejoint encore : « Ainsi, chacun dut accepter de vivre au jour le jour, et seul en face du ciel. » Nous ignorons où la pandémie va nous mener : c’est un mauvais rêve, une tragédie qu’il nous faut traverser : si la littérature peut nous y aider , il ne faut surtout pas s’en priver ! La peste d’Albert Camus, en version poche chez Folio. Sinon dans un superbe recueil à l’occasion des soixante ans de sa disparition, 1500 pages, l’œuvre de Camus dans la collection Quarto Gallimard.
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