« Le principe de laïcité doit être réaffirmé », ce « ciment de la citoyenneté » qui « n’est en aucun cas une arme contre les religions », a déclaré Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté en annonçant le coup d’envoi des États généraux de la laïcité.
Mais à entendre les propos de certains, celle-ci semble devenue une machine à exclure en refoulant de la société civile les diverses traditions et confessions religieuses. « Le paradoxe est que ce sont ceux-là mêmes qui tiennent ces propos qui redéfinissent la laïcité comme l’identité française. » écrit le philosophe et protestant Olivier Abel.
Mais la laïcité n’est pas une identité. Elle n’est pas là pour refouler les religions dans le seul for intérieur des citoyens. Non, elle est l’écosystème pour répondre à une difficile et essentielle question : comment faire un avec du multiple, comment tenir la pluralité des convictions et des croyances et l’unité d’une nation ?
Le siècle des Lumières a promu la liberté de conscience et la libre expression des convictions. Citons Emmanuel Kant, en 1786 : « On dit que la liberté de parler ou d’écrire peut nous être ôtée par une puissance supérieure, mais non la liberté de penser. Mais penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ? Aussi bien, l’on peut dire que cette puissance extérieure qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte également la liberté de penser »[1].
Alors prétendre faire de la religion une affaire absolument privée, c’est nier l’œuvre du siècle des Lumières. La République laïque, à laquelle je suis farouchement attachée, n’est pas et n’a pas à devenir une religion d’État.
Faire du récit en commun ne passe pas par une conception uniformisatrice de l’identité française. Rappelons l’épisode de Babel. C’est le multiple des langues que le Seigneur va organiser pour combattre la tentation d’uniformisation de la Tour de Babel avec un seul peuple, une seule langue… Obliger les humains à chercher la communion, la conversation, et non une uniformité qui tue les singularités et leurs rencontres possibles.
Olivier Abel reprend les mots d’Emmanuel Macron, en 2017 : La culture française laisse à l’Autre une place immense et c’est ce qui la rend si riche : c’est par essence une culture du dialogue, de l’accueil, de l’intelligence du monde. La culture française est une parce qu’elle est diverse, comme l’est notre histoire ». [2]
À l’État de garantir cet écosystème. Aux religions de faire en sorte que leurs participations à la vie publique se fassent dans le respect des lois de la République et la volonté de participer au vivre ensemble.
Véronique Margron op.
[1] Emmanuel Kant, Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée [1786], Paris, Vrin 1959, p. 86
[2] Emmanuel Macron, Interview dans L’Histoire, mars 2017 « La mémoire, l’histoire, l’oubli »
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