Aujourd'hui, la santé mentale des personnes âgées est un sujet souvent ignoré malgré son ampleur. Près de la moitié des résidents d'EHPAD sont sous traitement antidépresseur. Parallèlement, la question de la loi sur la fin de vie revient en débat et alimente le problème. L'accès des plus fragiles à l'euthanasie est-il en effet souhaitable ? Analyse et discussion avec la docteure Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre et gériatre, auteure de l’ouvrage à paraître, Bonne nuit, bonne santé, nous éclaire sur les défis liés à la santé mentale des seniors.
Environ un Français sur quatre se trouve concerné par des troubles psychiatriques au cours de sa vie. Cette problématique touche particulièrement les personnes âgées. Pour en parler, Pierre-Hugues Dubois et Louis Defresne accueillent Véronique Lefebvre des Noëttes, psychiatre et gériatre, auteure de l’ouvrage Quelles évolutions dans l’image du vieillissement ?
Près de la moitié des résidents de maisons de retraite consomment des antidépresseurs. C'est d'ailleurs le sujet de la "grande cause nationale", initiative de sensibilisation de Michel Barnier en septembre 2023. Elle visait à traiter de la protection des personnes vulnérables, enfants et seniors.
Le Covid a exacerbé la situation, avec l'isolement des plus âgés dans les EHPAD. Beaucoup ont été pratiquement séquestrés, sans pouvoir être en contact avec leurs familles. Selon Véronique Lefebvre des Noëttes “l’isolement est un facteur majeur de la dépression.”
La vieillesse en soi n’est pas une maladie, mais en vieillissant, il est plus fréquent de souffrir de plusieurs maux.
Par ailleurs, plus de 800 000 personnes âgées en affection de longue durée (ALD) n'ont pas de médecin traitant. Les médecins ne se rendent plus à domicile, et certains territoires connaissent des déserts médicaux. L'accompagnement médical des personnes âgées est de plus en plus compliqué. Les familles, elles, se déplacent de moins en moins pour rendre visite à leurs aînés. Pour Véronique Lefebvre des Noëttes, « la responsabilité revient d’abord aux familles. C’est à elles d’assurer ce soutien, mais aussi à la puissance publique.”
L’État et les particuliers sont les deux fers de lance de l’aide pour les seniors. L’ État fournit l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), qui s’élève à 1100€ par mois environ. Pourtant, selon la psychiatre, cette somme ne permettrait pas de vivre décemment à Paris ou en Île-de-France. Cette précarité pèse sur les personnes âgées, qui manquent de soins de proximité, notamment dans les campagnes.
Les hôpitaux de villes se caractérisent par une absence de visites extérieures, bien que les patients en soins de longue durée ont droit à des équipes de soignants, dont des médecins et des psychologues. À l’inverse, les EHPAD sont des lieux de vie. Les soignants jouent souvent le rôle d’accompagnants jusqu’à la fin.
Des associations comme Saint-Vincent-de-Paul apportent du réconfort aux patients. Le rôle des bénévoles est essentiel, mais ce n’est pas un rôle thérapeutique. Leur rôle est de donner de la présence.
Dans son livre La force de la caresse, Véronique Lefebvre des Noëttes vous explique l’importance de l’humanité dans les soins, et notamment l’importance de la caresse donnée au patient. Elle précise :
La caresse provoque une libération des hormones du désir de vivre et à l’attachement, tout en réduisant l’hormone du stress. Ce geste d’humanité est gratuit et essentiel, mais il est souvent négligé dans les protocoles médicaux, qui insistent davantage sur la distance et l’efficacité plutôt que sur la présence.
Cette approche est difficile à appliquer dans les soins, car ces derniers sont souvent trop centrés sur des procédures standardisées et sur la "juste distance". Cependant, il est nécessaire d'apprendre la "juste présence", sujet qui n’est pas abordé dans les formations publiques.
Selon Véronique Lefebvre des Noëttes, la potentielle évolution législative concernant le suicide assisté peut risquer d’influencer les personnes fragiles. Au Québec ou en Belgique, certains particuliers ont demandé l'euthanasie anticipatoire pour des raisons de précarité sociale. Pour elle, il faut éviter ces dérives, échappatoire sinistre pour les isolés : “Une personne déprimée n'a plus qu’une idée : la fin de la souffrance. Si on lui propose une alternative à la souffrance, elle risque de ne plus voir d’autre option que l’euthanasie.”
Une personne souffrante aurait besoin de l’accompagnement d’une présence, et non de la possibilité de choisir la mort.
“Il est essentiel d’avoir un soignant qui tend la main, pas une seringue.”
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