L’heure est à l’apaisement ou tout du moins à une tentative d’apaisement. L’Union européenne s’est dite prête, jeudi soir, à renouer avec la Turquie mais elle la place sous surveillance jusqu’au mois de juin pour marquer sa désapprobation face à la détérioration des droits et des libertés. Il faut dire que l’année 2020 a été mouvementée entre l’Union européenne et la Turquie sur de nombreux dossiers. Elle s’est d’ailleurs terminée en décembre dernier par un sommet où les 27 se sont montrés particulièrement critiques face aux "activités unilatérales et provocatrices de la Turquie", comme ils l’avaient écrit dans leurs conclusions.
Une nouvelle page s’était ouverte, jusqu’à mardi soir et l’interview d’Emmanuel Macron dans l’émission C dans l’air. Selon Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques, "la brutalité des propos d’Emmanuel Macron fait réfléchir. De nouveau, il a été très très agressif avec Erdogan. Inutilement agressif, selon moi, ce qui n’augure rien de très bon pour la suite". Interrogé dans le cadre d'un documentaire sur le président turc, Emmanuel Macron a notamment évoqué des "tentatives d'ingérence" dans l'élection présidentielle française de 2022 de la part de la Turquie.
Des propos du chef de l’État qui montrent que la relation entre la France et la Turquie est tendue, et ce, malgré les signes d’apaisement envoyés par Erdogan. Pour le journaliste Guillaume Perrier et auteur de "Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan" aux éditions Actes sud, "il y a eu un certain nombre de décisions de la part de la Turquie ces dernières semaines qui montrent un raidissement et une radicalisation encore plus fortes de la Turquie. Et Emmanuel Macron n’est pas dupe du double discours d’Erdogan".
Mais les dirigeants européens sont divisés sur la stratégie. Jusqu’ici, certains États membres, comme la France, la Grèce et Chypre, étaient favorables à des sanctions. D’autres, comme l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, misaient plutôt sur la diplomatie. Et notamment parce qu’un des dossiers qui préoccupe le plus les dirigeants européens, c’est celui des réfugiés syriens.
Il y a cinq ans, le 18 mars 2016, l’Union européenne et la Turquie nouaient un accord controversé pour stopper l’afflux de migrants vers l’Union européenne. Mais régulièrement, le président Erdogan menace de garder ses frontières ouvertes pour laisser passer les migrants. Didier Billion, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques, explique que "la Turquie est un partenaire incontournable de l’Europe. Mais la façon dont Erdogan a instrumentalisé ces réfugiés en affrétant des bus pour les emmener vers la frontière grecque , faisant une sorte de chantage à l’Union européenne, n’est pas acceptable". Le chef de l’État turc a demandé il y a quelques jours une révision de l’accord migratoire. Reste à savoir comment il réagira aux conditions posées par l’Union européenne pour la reprise d’un dialogue apaisé.
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