Existe-t-il un point commun entre les pauvres et les chasseurs, demande Guillaume Leblanc, philosophe, dans un article du quotidien Libération. Quelle étrange question ! et pourtant.
Le point commun serait le même nombre de sièges, 2 chacun, au sein de la « 3e assemblée » qu’est le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans le cadre de la réforme de ce dernier et de la suppression du siège d’ATDQM, présent depuis 1979. 2 petits sièges sur 175 alors que la pauvreté – qui était déjà de 14,5 % à la veille de la crise du covid 19- explose dans notre pays.
Toute une frange de la population, elle en situation précaire, est en train à son tour de basculer. Et les files d’attente devant les distributions alimentaires ont battu en 2020 des records.
Faut-il rappeler ce que l’on doit au plaidoyer de Joseph Wresinski, fondateur en 1957 d’ATDQM et de tous ceux, dont Geneviève Anthonioz de Gaulle, qui s’engageront avec et après lui ?
Rien moins que le RMI en 1988 (devenu RSA en 2009), la loi de lutte contre les exclusions (1998) et la CMU (1999). C’est encore à ATDQM qu’on doit l’instigation du droit au logement opposable (Dalo, 2007).
C’est elle qui a fait reconnaître la précarité comme 21e critère de discrimination (2016). Elle, encore, qui a la première médiatisé la «lutte contre les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté» (2013). Elle enfin qui est à l’origine du «17 octobre», Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté (1992).
Plus encore, on doit au mouvement de nous avoir appris – enfin on voudrait croire que nous l’avons compris - que lutter contre la pauvreté, c’est avant tout écouter la voix des plus pauvres. Car la vie des pauvres n’est pas une pauvre vie. Pour exister, survivre, vivre, les pauvres ont forgé un savoir des conditions de la survie, une expertise des raisons sociales et économiques qui font la pauvreté. Ou encore comprendre le lien entre les injustices et la violence des inégalités, ou pourquoi les uns sont entendus alors que les autres ne le sont pas. Joseph Wresinski écrivait ceci: «Leur savoir et leur réflexion ne portent pas seulement sur leur situation vécue, mais aussi sur le monde environnant qui la leur fait vivre, sur ce qu’est ce monde-là, et sur ce qu’il devrait être pour ne plus exclure les plus faibles.»
ATDQM a toujours refuser les réponses palliatives au profit de l’accès à l’éducation, à la culture, aux droits.
Rendre aux plus démunis leur dignité par le travail et «ne laisser personne de côté», n’est-ce pas là la promesse de fraternité autant que d’égalité dont se targue notre République.
Pourrait-on penser que l’enjeu d’une telle réforme serait de chasser les pauvres plutôt que la pauvreté, dans une assemblée qui ne veut alors plus rien connaître de l’expertise des plus vulnérables ?
Alors par pitié, 3 petits sièges sur 175 est bien le minimum !
Véronique Margron op
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