Chantal Denis a écrit un beau recueil en wallon.
Dans le billet écrit sur Crupet et le chanteur Quentin Dujardin, j'ai osé reprendre un spot wallon, d'après la morale d'une fable de La Fontaine, qui dit : "Que vous soyez puissants ou misérables, les jugements de cours vous rendront blanc ou noir. ' Le wallon, traduit cette fin de phrase, par "On s' sé ç' qu'i-gn-a dins l' panse do juge". Je ne vous dis pas les réactions, dont certaines disaient que j'y étais allé un peu fort. Comme le pensent encore beaucoup, il ajoutaient que le wallon est un langage grossier. Pourtant non ! Dans un autre billet, je vous ai déjà raconter que notre vieille langue se sert bien souvent de formules et d'images, puisées au monde rural et à la vie agricole, parce que les personnes vivaient, le plus souvent, à la campagne.
Nous, les namurois, nous avons la chance d'avoir Chantal Denis, une professeure de wallon, qui écrit des livres en cette langue. Elle rassemblé, ce qu'elle appelle une "brouette" de tous ces dictons de chez nous, en un ouvrage de 750 pages. Il a demandé des heures et des semaines, afin de réunir la plupart d'entre eux. Un recueil qui compte pour tous les amateurs de notre vieux langage wallon.
Je vous donne quelques exemples. Pour parler de quelqu'un qui est un vantard, le wallon dira aisément : 'Il fait le gros, il se prend pour "Monsieur", il fait du "ronflant" (= beaucoup de bruit), il prend des "manières", il bombe le torse. Ou encore : "Il se prend pour le roi des veaux, alors qu'il n'est même pas celui des cochons !" ; "Celui qui pète plus haut que son cul, il se fait un trou au dos !" ; "Il croit qu'il a pissé la Meuse" ; "Il se prend pour le coq du village". Toutes expressions qui vont dans le même sens.
Mais à vouloir traduire, mots à mots, en français, les expressions peuvent paraître vulgaires et en perdre de leur impact et humour. Mais pour celui qui connaît la langue, il n'en est rien. Les images parlent et même font sourire, tout en traduisant la vérité.
Sur le même sujet : "Beaucoup de bruit, mais peu de laine, dit le fermier, qui tond son porc", pour parler d'un d'entre eux, qui se vante d'avoir beaucoup récolter de froment. "Caqueter comme un poule, tous savent le faire, mais pondre ..." Un peu plus arsouille : "Quel dommage qu'elle pisse sinon on l'aurait mise dans un globe !". "Va canner les chèvres et brider les escargots" pour dire qu'il n'est qu'un fanfaron ; autrement dit, quelqu'un qui se prend pour le roi de Prusse.
Voyez que ce langage ne manque pas d'idées et d'images. Ses mots ne sont pas grossiers. Ils disent parfois la vérité, sans aller par quatre chemins. Le français, lui, est plus sérieux. Le wallon ne s'embarrasse des tenants et des aboutissants. Il dit ce qu'il pense, ce qu'il ressent intérieurement.
D'autres exemples : "Il fait son coup comme un chat qui n'a pas encore lever sa queue", ou il est parti 'paille au cul et le feu dedans", pour exprimer quelque chose arrivé rapidement. Pour parler de quelqu'un tout surpris : "Il tire la tête comme un chat qui pète dans une moufle". Les dictons sur le diable ne manquent pas non plus. Et je n'y revient pas parce que j'étais à Crupet, le 14 février dernier. Parce que nous ne comprenons pas toujours ce qui arrive : "Je ne sais, au diable, ce qui se passe !" Pour parler de quelque chose qui nous arrive sans en comprendre goutte : "Il fallait que le diable batte sa femme (sous-entendu sa propre femme) pour que cela arrive !"
Oui, de nos jours, combien pensent que le wallon reste ne langue vulgaire, voire grossière. Pourtant, nos ancêtres parlaient ainsi. Ils étaient bien souvent de petites gens, vivant au milieu des bêtes, des bois et des champs. Les gens de la ville, eux, les regardaient de travers, parce qu'elles se considéraient plus instruites.
Un peu d'histoire : savez-vous pourquoi, aujourd'hui, le français s'est répandu partout ? Parce qu'au milieu du 19ème siècle, on a fait croire aux mamans qu'il fallait que leur enfants apprennent le français pour trouvent une belle situation. Le wallon ne menait plus à rien, proclamaient les notables ! Parler comme les bourgeois de la ville leur permettrait de faire des études et de devenir des scientifiques ou des maîtres d'école, de travailler à la banque ou aux contributions, etc... Les pères, eux, continuaient à parler la langue régionale avec leur fils et leurs filles. Alors, si les mamans avaient parlé le wallon à leurs enfants, sans doute y aurait-il beaucoup plus de personnes, aujourd'hui, à parler la langue de nos ancêtres !
Oui, le livre de Chanal Denis en vaut vraiment la peine. Si vous le lisez, vous éprouverez bien du bonheur. Je vous le certifie !
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