Quentin Dujardin à Crupet
Le 14 février, jour de la Saint Valentin, quelques amis m'ont invité à Crupet. Certainement pas parce que j'aime le diable. Bien sûr que non ! Certes, je suis supporter des diables... Je veux parler, évidemment, des Diables Rouges !
Car si vous le savez pas, là à Crupet, avec plusieurs de ses paroissiens, le curé Gérard a construit une grotte à saint Antoine, entre 1900 et 1903. En son centre, il y a mis un diable disproportionné, qui vous regarde avec des yeux à vous faire retourner une procession. A voir le tableau, il y aura eu plus d'un vaillant chrétien, qui se sera enfoui.
Tout de même, j'ai été étonné que, ce dimanche-là, il y aie nombres de touristes, pour y venir en pèlerinage. C'est à croire que les personnes sont toutes perdues pour venir mettre une bougie à saint Antoine et, par le fait même, au brave curé Gérard. Sans doute, ils ressentent que les temps sont très complexes et que nous ne sommes pas au bout de nos peines.
Je me demande toujours pourquoi Quentin Dujardin m'y avait invité l'entendre jouer de la musique. Etait-ce parce qu'il voulait faire savoir qu'il envoyait au diable toutes ces mesures gouvernementales, qui ne veulent pas qu'un musicien joue un morceau dans une église, alors que le curé, lui, peut célébrer devant 15 personnes, tous les jours. De plus, le dimanche, il n'a pas à compter ni le sacristain, ni l'organiste, ni les quelques membres de la chorale, choisis pour chanter, dans les quinze personnes présentes. Il y a là quelque chose d'injuste !
Pour bien être reçus, nous avons été bien reçus. Oui, vraiment ! pour 15 inscrits que nous étions, il y avait bien là, devant l'église, une dizaine d'agents de la Police Fédérale et un nombreux contingent de journalistes, de tous les journaux et télévisions de Wallonie. D'ailleurs, j'ai longuement discuté avec deux journalistes namurois amis, que l'on retrouve bien sûr, à toutes les rassemblement de fêtes dans la capitale de la Wallonie. Je pensais qu'ils se croyaient devant la prison de Marche, afin de voir sortir Moreau, Forniéri, ou je ne sais quel trafiquant. Mais non, il n'y avait là que de bons musiciens.
- Ô là, il vous faudra montrer votre carte d'identité, dit le chef de la police ! Si vous entrez dans l'église, ce sera une amende de 250 euros !
- Nom di diâle !, dis-je en moi-même. C'est un peu cher payer pour une heure de musique ! Vous ne pensez pas ?
- Pourquoi ? demandai-je à l'agent.
- C'est ainsi ! Le ministre a décidé de cette amende-là ?
- Le gouvernement n'a-t-il plus d'argent pour venir dérober les derniers euros d'un petit curé de campagne ?
- Mais je vous ai déjà vu, vous ! Est-ce que vous n'êtes pas l'arsouille curé du lundi de Wallonie ? Alors, vous pouvez entrer.
- Oui ! Oui ! C'est bien moi. Mais y a-t-il une différence avec les autres ? Ce sont de mes amis !
Là-dessus, à moi et aux autres, il n'a pas été demandé notre carte d'identité. Je ne serai pas surpris qu'ils étaient plus embêtés que nous à devoir mettre un procès à tous ces artistes-là, qui défendent leur gagne-pain. Elle dit vrai la morale de La Fontaine : que "vous soyez puissants ou misérables, les jugements de cours vous rendront blanc ou noir".
Notre ami Quentin a joué cinq minutes. Le commissaire principal est venu le chercher et lui mettre un procès : 4.000 euros, paraît-il. Et on a été prié de quitter les lieux.
Moi, je ne sais si j'aurai à payer les 250 euros d'amende, mais j'allais là, à Crupet, pour encourager mon ami Quentin. Car depuis des mois, il ne demande pas mieux que de jouer de la guitare pour gagner sa vie. Par le fait même, je pense aussi à mes amis cabaretiers ou cuisiniers, qui éprouvent bien des difficultés ces temps-ci.
Si je lis l'évangile - mais c'est aussi vrai pour combien qui ne croient pas comme moi - je vois que Jésus était un prophète, parce qu'il a osé dénoncer des lois injustes. Il était contre la Loi, lorsque la Loi était contre l'homme. Non pas par principe de transgresser. Il était un bon Juif qui respectait ce qu'il avait appris dans sa jeunesse. Quand il avait devant lui une personne dans la détresse ou méprisée par les puissants, il n'avait pas peur de clamer haut et fort l'injustice, souhaitant que quelque chose change dans une société à la dérive. Quand tant de personnes sont laissées de côté, il ne faut pas craindre de les défendre et de demander que la loi change pour respecter jusqu'au plus méprisés.
Oui, je crois de toutes mes forces, qu'il ne faut jamais avoir peur de défendre la justice et la liberté pour tous ceux qui éprouvent des difficultés ou que la société n'écoute pas.
Courage, ami Quentin ! Il y a beaucoup de gens qui sont encore et toujours là afin de te soutenir et t'encourager !
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