Le fondateur d'Emmaüs sous les lumières du 7e art : le biopic L'Abbé Pierre - Une vie de combats sur l’homme au béret, à la barbe et à la canne sort le 8 novembre au cinéma. Un film de Frédéric Tellier avec Benjamin Lavernhe dans le rôle de l'Abbé Pierre. Henri Grouès, « frère Philippe » puis « l'abbé Pierre », aura été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris et révolutionnaire ; mais ce que l'on connaît moins de lui, c'est cette forte attache à la région lyonnaise, où tout commença, en 1912.
5 août 1912, 11h du matin, petite-rue des Gloriettes dans le 4e arrondissement de Lyon : Eulalie Grouès donne naissance à son cinquième enfant. Quand Henri a 8 ans, un nouveau terrain de jeu s’offre à lui. Sa famille achète une propriété de plus de 300 mètres carrés au vieux port à Irigny, près de Lyon. Son neveu, Alain Grouès, se souvient : « Il a beaucoup joué dans cette maison, il a fait des bêtises, il courrait sur le toit de la maison parfois à un fil d'y laisser sa vie. C'était un casse-cou et un joyeux luron ». Henri deviendra l'Abbé Pierre et va connaitre un succès médiatique qu'on lui connait, mais il reviendra fréquemment à Irigny dans cette période de popularité. « C'était pour lui un lieu où il pouvait souffler, se reposer », explique Alain Grouès qui a habité cette maison. « Il venait pour les fêtes de famille, les mariages ou simplement pour nous rendre visite. Il allait toujours prendre un temps de prière, de méditation devant la statue de la vierge près de la maison. Puis il revenait nous saluer, nous demandait comment nous nous portions, avec toujours une attention au plus faible ».
Henri Grouès grandit dans une famille lyonnaise catholique, aisée et tournée vers les plus démunis. Un dimanche, il surprend son père, Antoine, en train de coiffer et laver les "clochards" de la place Bellecour, « et quand on est un enfant », confie Pierre Lunel, biographe de l'Abbé Pierre, « ce doit être un étonnement incroyable de voir son papa, homme fort, chef d'entreprise, s’occuper des misérables tous les dimanches. Cet événement va le marquer ». Son père l'emmène à la cité Rambaud à Lyon. Voyant son père et ses amis, le jeune Henri, 11 ans, écrit : « ils étaient en bras de chemise au milieu d'une cinquantaine de mendiants. Ils les rasaient, leur coupaient les cheveux, chassaient la vermine, leur servaient le petit déjeuner, et j'entends encore en moi papa nous disant au retour : que c'est difficile de vraiment servir ceux qui souffrent tant ! ».
Il entre chez les Scouts de France au printemps 1926. Henri a 13 ans et sera marqué à vie par cette nouvelle aventure. Il y rencontre son meilleur ami François Garbit, comme en témoigne son biographe Pierre Lunel : « François Garbit est un enfant brillant qui va être très précieux pour le jeune Henri, car ce dernier traverse durant son adolescence une grosse peine de cœur qui va l'anéantir. François va l'aider à traverser cette phase difficile ».
François lui écrit une lettre en 1928 : « Mon cher, la vie est faite d'amour. Elle en est pleine. Mais il ne faut pas croire que la vie tient dans un amour. C'est la rapetisser. La vie englobe tous nos amours (amitié, amour filial, paternel, amour des époux, amour de sa carrière, etc.) mais elle les dépasse infiniment. Un seul amour ne peut la remplir tout entière. Ou plutôt si... L'amour de Dieu doit pouvoir remplir toute une vie.
À notre âge, nous cherchons le sens de la vie ; nous cherchons ce qu'est notre vie. Et cela, c'est l'avenir. Quant au présent, eh bien, c'est le travail, le scoutisme, c'est tout le bien que l'on peut faire à sa famille, à ses camarades, à ses scouts ».
Henri part, à 19 ans, chez les Capucins à Crest, dans la Drôme. Une formation rude de sept ans, où il deviendra frère Philippe. C'est alors à Henri, devenu « frère Philippe », d'aider François qui traverse une crise existentielle, devenu étudiant de Saint-Cyr puis officier méhariste.
En 1941, François Garbit est grièvement blessé par balle à l'épaule et à la jambe lors d'opérations militaires en Syrie. Il meurt en décembre, à 31 ans, et ne connaitra jamais celui qui allait devenir quelques années plus tard l’Abbé Pierre. En 1962, les lettres de François Garbit sont publiées aux Éditions du Soleil Levant et préfacées par l'Abbé Pierre : « Vers le plus grand amour : lettres de François Garbit ».
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