Montée des impayés de loyers, augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire... "L'aide exceptionnelle de solidarité" pour "les plus fragiles et les plus démunis" promise par le gouvernement ne pourra suffire face à la situation. C'est ce que déclarent les acteurs de la solidarité : ils sont en première ligne pour constater les lourdes conséquences du confinement sur les personnes en situation précaire.
Les acteurs de la solidarité avaient demandé au président de la République une aide à hauteur de 250 euros par mois pour une personne seule : l’aide d’urgence annoncée hier par Édouard Philippe à la sortie du conseil des ministres sera finalement de 150 euros pour les ménages bénéficiaires du RSA ou de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) - avec 100 euros supplémentaires par enfant, versé en une seule fois, et 100 euros pour les ménages bénéficiaires d'allocations pour le logement, versé en une fois.
"C'est un geste positif mais insuffisant face à la situation", commente Manuel Domergue de la fondation Abbé-Pierre. Il rappelle que les personnes concernées "n'ont plus leur réseau d'approvisionnement, d'achat en commun d'échange, etc." et qu'elles se trouvent "dépendantes de distribution alimentaires qui, elles-mêmes, ont été très perturbées par les premières semaines de confinement".
"Concrètement, on a rencontré des personnes, dans les rues ou dans les quartiers populaires, qui avaient faim, qui n'avaient pas mangé depuis un jour, deux jours..." Pour Manuel Domergue, cette crise "révèle la très grande dépendance d'un certain nombre de personnes aux dispositifs d'aide". Une dépendance "profondément dérangeante" : "Ce n'est pas parce que des bénévoles ou des salariés, des maraudes, se mettent en retrait, que tout à coup ce serait normal que des milliers de personnes aient faim dans notre pays."
On enregistre de nouveaux bénéficiaires de l'aide alimentaire. Personnes âgées, familles, étudiants, mais aussi des personnes en statut d'auto-entrepreneur, des vendeurs sur les marchés ouverts... "ceux qui se retrouvent avec un arrêt brutal de leur activité" sollicitent désormais une aide alimentaire, notamment auprès du Secours populaire français (SPF), âcomme en témoigne Sébastien Thollot.
Quand il faut choisir entre l'alimentation et le logement. À la fondation Abbé-Pierre, on constate une montée des impayés de loyer. Ceux qui ne peuvent plus compter sur des "petits boulos" et autres "stratégies de survies" habituellement mises en place - comme le font les personnes "en bas de l'échelle sociale" - ces personnes n'ont plus les moyens de payer leur loyer : â"parce que le montant des minima sociaux est extrêmement bas en France", rappelle Manuel Domergue.
La fondation Abbé-Pierre demande la création d’un fonds spécifique pour éviter l'explosion des impayés de loyer. "On pense que ce serait intelligent pour tout le monde d'avoir un fonds d'aide à la quittance un peu exceptionnel de 100 ou 200 millions d'euros, pour que les personnes qui ont des difficultés ponctuelles à cause de la crise du Covid ne tombent pas dans une spirale d'exclusion."
"Nous avons réadapté nos pratiques." Le Secours populaire français (SPF) s'est organisé pour "préparer des colis à l'avance" et "donner des rendez-vous aux personnes" pour les leur remettre. Et puis il a fallu répondre à de nouvelles demandes, comme imprimer des attestations de déplacement pour ceux qui n'ont pas de matériel informatique ou accès à internet ou encore permettre aux enfants de suivre l'école à distance.
Les bénévoles du Secours catholique bénéficient d'autorisations exceptionnelles de déplacement. Clémence Chicaud, du Secours catholique des Côtes-d'Armor, nous raconte comment l'association a sollicité des bénévoles, "qui ont les conditions de santé requises", pour distribuer des colis alimentaires ou remettre des chèques services à ceux qui en ont besoin.
Dans la Drôme, la Croix-Rouge a fait d'un ancien centre de vacances de Saint-Donat-sur-l'Herbasse, un centre d'accueil pour des personnes sans domicile atteintes par le virus. "Ce sont des personnes vulnérables, essentiellement sans-abri ou en centre d'hébergement, qui n'ont pas la possibilité d'être confinés, qui présentent des symptômes du Covid non graves, qui nécessitent pas une hospitalisation et sont orientées sur avis médical", précise Lucie Perraudin. Ce centre peut accueillir 48 personnes.
Toutes les associations citées dans ce dossier ont lancé des appels à la générosité pour leur permettre de venir en aide aux populations en difficulté.
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