Le nombre quotidien de nouvelles contaminations en Amérique latine a désormais dépassé celui de l’Europe et des Etats-Unis. On dénombre ainsi 5 500 nouvelles contaminations en vingt-quatre heures au Pérou, pour un total de près de 135 000 cas. Le Chili compte plus de 4 800 contaminations en 24 heures tandis que le Brésil est devenu le 2ème pays au monde le plus touché, avec 391 000 cas et plus de 25 500 décès. Officiellement, le Brésil recense en ce moment 1 000 morts par jour. Un nombre qui est sans doute en-deçà de la réalité, car les tests sont limités.
Alors que le continent avait été relativement épargné au début de la pandémie, l'épidémie de Covid-19 est en pleine explosion aujourd'hui, en raison notamment des systèmes de santé locaux dont les capacités sont limitées. Le contexte socio-économique est aussi très différent de l’Europe ou des Etats-Unis, rappelle Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et directeur de la maison de l’Amérique latine à la Fondation Jean Jaurès." Le confinement est très difficile à respecter pour deux raisons : l'habitat, alors qu'une partie importante de la population latino-américaine vit dans des favelas, et d'autre part il y a entre 17 % de la population au Chili et plus de 60 % de la population en Bolivie qui vit au jour le jour, de travail informel de vente de rue et qui n'a pas de protection sociale ou de chômage. Toutes ces catégories de population se retrouvent donc dans des situations très compliquées". Au Chili, des manifestations ont éclaté à Santiago malgré le confinement pour dénoncer l’insuffisance des aides de l’Etat. Peu de pays ont pu en effet mettre en place un bouclier social, comme en Europe. Au Chili, les personnes reçoivent par exemple 74 euros par mois.
Certains responsables politiques ont aussi fait le choix de privilégier l’économie sur la santé. " Il y a eu des comportements politiques très différents d'un pays à l'autre. Le côté le plus positif de la lutte contre le coronavirus a été constaté en Argentine avec très rapidement la fermeture des frontières, la suspension des liaisons aériennes et le confinement. A l'inverse, au Nicaragua, les dirigeants n'ont pris aucune décision particulière et ont même convoqué la population au mois de mars à une "marche d'amour" au risque de propager l'épidémie", détaille Jean-Jacques Kourliandsky. Le président mexicain Obrador agitait il y a peu de temps des amulettes contre le virus. Quant au président brésilien, Bolsonaro il ne respectait ni les gestes barrières, ni la distanciation, en conflit ouvert tant avec ses ministres de la Santé qu’avec les gouverneurs qui ont mis en place un confinement, dans ce pays fédéral.
Cette désinvolture de Bolsonaro pourrait faire plus de 100 000 morts dans les prochains mois, selon les projections. La situation est très inquiétante en particulier pour les Amérindiens. Selon l’ONG Survival international, plus de 150 Amérindiens sont déjà décédés. Pour les populations autochtones isolées d’Amazonie il y a un réel risque de catastrophe humanitaire : " Ces populations sont plus vulnérables aux maladies, ils n'ont aucune immunité", souligne Fiore Lungo, présidente de Survival France.
Le nombre de cas progresse aussi en Guyane qui partage 700 km de frontières avec le Brésil. Pour l’instant il n’y a eu qu’un seul décès et deux patients sont en réanimation. Mais des élus français s’inquiètent de l’évolution de la situation. Gabriel Serville, député de la 1ère circonscription de Guyane, ne cache pas son inquiétude : "Nous avons vu affluer massivement des personnes qui fuient le Brésil par le fleuve et tentent de venir se faire soigner sur le sol français. Pour l'instant, il y a une marge de manoeuvre mais on ne sait pas de quoi demain sera fait".
1245 cas et 11 morts : c'est le bilan très faible au Vénézuéla, un pays exsangue depuis plusieurs années. Un bilan en trompe l’œil, selon Fabrice Andréani, chercheur à l’université Lyon 2 et spécialiste du Vénézuéla : "C'est évident que les chiffres sont beaucoup plus élévés. Les personnels soignants sont intimidés..." Une communication verrouillée donc, dans un pays qui ne teste pas vraiment efficacement ses cas. La Chine a fourni à Caracas beaucoup de tests sérologiques, indiquait Fabrice Andréani à Jean-Baptiste Labeur, alors que, pour repérer les cas, il faut des tests PCR.
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