Il y a quelques jours Noémie* s’est présentée dans une paroisse de Rambouillet. Seule, exténuée. Elle avait identifié l’Église comme étant un lieu où, peut-être, elle pourrait être protégée. En fin d’après-midi, l’équipe paroissiale l’a conduite au Secours Catholique à proximité. Ce qui a marqué les bénévoles qui l’ont accueillie, c’est l’état de fatigue et de détresse dans laquelle se trouvait cette jeune fille, née à Kinshasa, au Congo. Au fil des échanges, Noémie, 16 ans a expliqué l’exploitation par le travail puis l’exploitation sexuelle qu’un homme lui imposait.
Mineure, elle a donc été entendue par la Police et prise en charge par une éducatrice du Conseil départemental. Une histoire qui devient, hélas, assez banale ces derniers temps dans nos associations, lors des maraudes ou suite à des appels téléphoniques. Demain, c’est le 10 mai, nous célébrerons l’abolition de l’esclavage. Nous ferons mémoire des millions de victimes de l’esclavage dans l’Histoire ; Et c’est important ! Mais la traite des êtres humains n’appartient pas qu’au passé.
L’abolition de droit que nous célébrons ne signifie pas suppression de fait. En Europe, les victimes de la traite seraient au moins 600.000 selon l'Organisation Internationale du Travail (OIT), et sans doute près de 130.000 en France. Le plus souvent invisibles elles ont pourtant des visages, des visages souffrants : ce sont des femmes, des enfants ou des hommes contraints à la prostitution sur les trottoirs de nos villes ; des esclaves domestiques recluses dans le secret des maisons et soumises aux exactions de leurs exploiteurs ; des migrants se tuant à la tâche dans des ateliers de confection clandestins ou des exploitations agricoles ; des mineurs isolés, errant dans les rues, et contraints pour le compte d’autrui, à la mendicité ou à la délinquance… mais aussi des visages encore trop mal connus, exploités par des réseaux mafieux transnationaux qui profitent de la vulnérabilité liée aux guerres ou aux migrations.
En 2014, la France s’était dotée d’un plan d’action triennal posant pour la première fois les fondements d’une véritable politique publique de lutte contre la traite des êtres humains sous toutes ses formes. Des progrès ont été accomplis, mais ils sont loin d’être suffisants et beaucoup reste à faire, tant sur le plan juridique, que pour la protection des victimes, et surtout la prévention.
Et depuis 2 ans, plus rien, plus de plan d’action, silence gêné de l’administration. Il est urgent de relancer une politique globale de lutte contre l’esclavage moderne. Il ne manque que l’impulsion politique et le Président de la République doit entendre cet appel du Collectif «Ensemble contre la traite des êtres humains ». (www.contrelatraite.org)
* Le prénom de la jeune fille a été modifié.
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